• 17 juin 2025
  • Togo
  • Communiqué de presse

Togo. Les autorités doivent enquêter sur les allégations de torture sur des manifestant·e·s et cesser de réprimer les voix dissidentes

Les autorités togolaises doivent enquêter sur les allégations de torture sur des manifestant·e·s à la suite des manifestations qui ont eu lieu au début du mois, et respecter leurs engagements en matière de protection des droits à la liberté de réunion pacifique et d’expression, a déclaré Amnistie internationale aujourd’hui.

Des dizaines de personnes ont été arrêtées les 5 et 6 juin à Lomé après être sorties dans la rue pour protester contre la répression des voix dissidentes par les autorités, la cherté de la vie et les changements constitutionnels qui pourraient permettre à l’actuel président du Conseil des ministres, Faure Gnassingbé, de rester au pouvoir sans limite de temps.

Cinquante-six personnes ont été libérées le 9 juin, selon le procureur général. Trois manifestant·e·s sont toujours détenus à la date du 17 juin, selon plusieurs sources.

Pendant leur détention, plusieurs manifestant·e·s ont été soumis à la torture ou à d’autres mauvais traitements, selon les témoignages recueillis par Amnistie internationale.

« Ces manifestant·e·s togolais sont sévèrement punis pour le simple fait d’avoir exprimé leurs opinions. En interdisant les manifestations et en les réprimant par la force, les autorités violent le droit international qui protège le droit de manifester. Elles ne respectent pas non plus les engagements pris lors du dernier Examen périodique universel, notamment l’interdiction de la torture sous toutes ses formes et l’ouverture d’enquêtes sur les actes de torture présumés », a déclaré Marceau Sivieude, directeur régional par intérim d’Amnistie internationale pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale. « La répression de la liberté d’expression et de réunion pacifique doit cesser immédiatement. »

Dans une déclaration lue à la télévision le 9 juin, le procureur de la République a évoqué des « individus [qui] par groupuscules ont bruyamment occupé les voies publiques […], orchestrant des vacarmes et érigeant par endroits des barricades », alors qu’« aucune déclaration de manifestation publique n’avait été enregistrée » ce qui constitue selon lui des « troubles aggravés à l’ordre public ».

Des témoignages et certificats médicaux faisant état d’actes de torture

Amnistie internationale s’est entretenue avec 10 manifestant·e·s dans les jours qui ont suivi leur détention à la gendarmerie de Djidjolé. Tous ont déclaré avoir été soumis à la torture ou à d’autres mauvais traitements. 

« Nous étions couchés sur le sol, ils étaient six ou sept agents autour de nous. Ils versaient de l’eau sur nous et ils nous frappaient les fesses avec des cordelettes. Ils ont frappé nos plantes de pieds en nous demandant ‘est-ce que vous allez encore sortir manifester ?’ Puis ils nous ont ordonné d’aller courir sur des gravillons. Ils nous menaçaient. À un moment, ils nous ont ordonné d’aller danser sous la pluie. Ils ont ordonné à un manifestant qui avait été arrêté avec un mégaphone de chanter dans l’appareil éteint, » a raconté l’un d’eux à Amnistie internationale. 

« Ce n’est pas la première fois que des manifestant·e·s arrêtés font état de torture et d’autres mauvais traitements dans le pays. Le Togo a été condamné une dizaine de fois ces dernières années par la Cour de justice de la CEDEAO pour avoir eu recours à la torture. Nous demandons qu’une enquête rapide, impartiale, indépendante et efficace soit menée sur ces allégations », a déclaré Fabien Offner, chercheur au bureau régional d’Amnistie internationale pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale.

Trois certificats médicaux consultés par Amnistie internationale font état de « contusions des muscles fessiers » et un quatrième de « contusions des muscles paravertébraux ». Amnistie internationale a également constaté des blessures sur des photographies de manifestant·e·s.

Une des victimes présumées, détenue pendant quatre jours et qui témoignait trois jours après sa libération, a déclaré : « j’ai toujours des douleurs aux fesses, à la hanche et j’ai du mal à lever le bras droit. » Une autre victime présumée a déclaré avoir signé des documents à la gendarmerie sans savoir de quoi il s’agissait. Une autre a dit avoir été menacée par téléphone après avoir signalé ces violences sur les réseaux sociaux.

Le 10 juin, Amnistie internationale s’est rendue à la Brigade de recherche et d’intervention de la Direction générale de la police nationale, où 32 manifestant·e·s étaient détenus. L’organisation s’est entretenue avec trois d’entre eux, qui ont déclaré avoir été bien traités et avoir reçu la visite de leurs proches.

Contexte

Le 26 mai, le chanteur Aamron, critique virulent des autorités, a appelé à la mobilisation contre le gouvernement dans une vidéo postée sur TikTok. Il a été arrêté la nuit suivante à son domicile, sans convocation préalable ni mandat d’arrêt, et emmené dans un lieu inconnu. Il est réapparu le 6 juin dans une vidéo, s’excusant auprès du président du Conseil des ministres pour avoir tenu des propos « injurieux et outrageants ». Il a également annoncé qu’il était soigné dans un hôpital psychiatrique.

Dans une déclaration publiée le 6 juin, le gouvernement a averti que toute personne utilisant les réseaux sociaux pour « diffuser des informations dénuées de tout fondement et susceptibles de provoquer des troubles graves à l’ordre public (…) [s’exposaient], sans exception aucune, à la rigueur de la loi ».

Certaines des lois citées dans cette déclaration contiennent des dispositions contraires au droit international.

Depuis l’adoption d’une nouvelle constitution en avril 2024, le pouvoir est concentré entre les mains du président du Conseil des ministres, chef du parti majoritaire. L’ancien président Faure Gnassingbé, au pouvoir depuis la mort de son père en 2005, a accédé à cette fonction le 3 mai 2025.