• 8 déc 2021
  • International
  • Communiqué de presse

Organisation Mondiale du Commerce. L’émergence du variant Omicron souligne le besoin urgent d’une dérogation complète à l’accord sur les ADPIC pour les outils utilisés dans la lutte contre la pandémie

Suite à l’annonce du report de la 12e conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) à Genève en raison de restrictions de voyage imposées par les autorités suisses en réaction à l’annonce de la découverte d’un nouveau variant de la COVID-19, le variant Omicron, Amnistie internationale appelle de nouveau tous les membres de l’OMC à accepter immédiatement la proposition de dérogation à l’Accord sur les ADPIC pour les produits de santé liés à la pandémie de COVID-19.

L’émergence d’un nouveau variant présentant de nombreuses mutations était malheureusement prévisible compte tenu de l’inégalité vaccinale, immense et ininterrompue, créée par les pays riches et les sociétés pharmaceutiques. De plus, les pays d’Afrique australe, région où l’accès au vaccin contre la COVID-19 reste scandaleusement faible, font face à l’isolement et aux interdictions de voyage pour s’être acquittés de leurs responsabilités au titre du Règlement sanitaire international, en identifiant et déclarant rapidement le variant. Cette injustice, et la menace constante de l’émergence de nouveaux variants de la COVID-19 risquant de prolonger la pandémie, illustrent parfaitement la raison pour laquelle une dérogation complète temporaire aurait dû être approuvée il y a un an, et est encore nécessaire de toute urgence. Une telle dérogation sur les droits de propriété intellectuelle, notamment les brevets, la conception industrielle, les droits d’auteur et les secrets commerciaux, comme cela avait été proposé par l’Afrique du Sud et l’Inde, permettrait à plus d’entreprises de lancer la fabrication des produits adéquats.

Si la proposition de dérogation avait été acceptée la première fois qu’elle a été présentée, il y a plus d’un an, le stock de vaccins pour l’ensemble des pays aurait été moins limité, et des millions de vies auraient pu être sauvées. Le fait est que l’obstacle principal à l’accès au vaccin contre la COVID-19 dans le monde entier est bien l’accumulation de ces vaccins et les restrictions à leur accès et à leur production, et non l’hésitation vaccinale des pays moins avancés, comme ont pu l'affirmer certains, notamment le Premier ministre du Royaume-Uni, Boris Johnson. Par exemple, le Botswana, l’un des pays ayant détecté en premier le variant Omicron, a non seulement payé un prix plus élevé que des pays plus riches pour les 500 000 doses de vaccin Moderna, mais il n’a en outre reçu que sa première livraison, soit moins de 10 % de la commande totale, et ce 

en octobre alors qu’elle était attendue en août. À la mi-novembre 2021, le pays a donc subi une pénurie, provoquant un arrêt temporaire de la campagne vaccinale.

Une dérogation à l’Accord sur les ADPIC peut être acceptée à tout moment par le Conseil général de l’OMC, après accord du Conseil des ADPIC. Le Conseil des ADPIC poursuit actuellement les négociations concernant la dérogation. Un avis juridique récent, auquel Amnistie internationale a participé, a été soutenu par des expert·e·s et avocat·e·s internationaux éminents, notamment la secrétaire générale et le directeur général de la recherche, du plaidoyer et des politiques d’Amnistie internationale. Cet avis souligne que les États devraient au minimum ne pas s’opposer à la dérogation à l’Accord sur les ADPIC, et que s’ils la soutenaient, ce serait une preuve du respect de leurs obligations d’instaurer une collaboration et une assistance internationales en ce qui concerne les droits humains.

Amnistie internationale demande aux États membres de l’OMC de prendre les mesures que le monde attend, et d’accepter la proposition de dérogation lors du Conseil des ADPIC, et ce de toute urgence.

Complément d’information

Amnistie internationale milite en faveur de la proposition de dérogation à l’Accord sur les ADPIC depuis décembre 2020. En septembre 2021, l’organisation a également lancé la campagne 100 jours pour rattraper le retard, exhortant les États et les groupes pharmaceutiques à partager les vaccins avec les pays à revenu faible ou intermédiaire inférieur, afin d’atteindre l’objectif fixé par l’Organisation mondiale de la santé de vacciner 40 % de la population de tous les pays avant la fin de l’année 2021. Cependant, au 29 novembre, bien que 54,7 % de la population mondiale ait été vaccinée, seuls 5,8 % des habitant·e·s des pays à faible revenu ont reçu au moins une dose, et en Afrique, seul un·e professionnel·le de santé sur quatre a été vacciné.