• 3 juin 2019
  • Corée du Sud
  • Communiqué de presse

La Corée du sud marque la Journée internationale de l'objection de conscience par un projet de service de remplacement qui laisse à désirer

Ce mercredi 15 mai, c’est la Journée internationale de l'objection de conscience. Les objecteurs de conscience sud-coréens ont de nombreuses raisons de la célébrer, car la Cour constitutionnelle comme la Cour suprême ont reconnu l’objection de conscience dans des arrêts historiques en 2018.

Cependant, le projet de loi relative au service de substitution soumis à l’Assemblée nationale le 25 avril laisse fort à craindre que les objecteurs de conscience ne continuent à faire l’objet d’un traitement assimilable à une sanction.

Après avoir emprisonné près de 20 000 objecteurs de conscience ces 60 dernières années, la Corée du Sud se trouve à un moment important de son histoire. Amnistie internationale a indiqué que ce projet de loi, s’il était adopté sous sa forme punitive actuelle, bafouerait le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ou de conviction en imposant des contraintes déraisonnables et excessives aux objecteurs de conscience.

Le projet de loi dans sa version actuelle n’est pas conforme au droit international relatif aux droits humains ni aux normes en la matière, en raison des aspects punitifs qu’il comporte de fait, comme la durée disproportionnée du service de substitution et sa nature, et du manque d’indépendance par rapport aux autorités militaires. Les législateurs ont jusqu’à la fin de l’année 2019 pour examiner le projet de loi avant qu’il ne soit adopté, et doivent mettre ce délai à profit pour veiller à ce que les modifications nécessaires soient apportées, afin de mettre le projet en conformité avec les obligations internationales de la Corée du Sud en matière de droits humains.

L’objection de conscience est un droit, pas un crime ; aussi, Amnistie internationale demande au gouvernement d’aller plus loin et d’effacer le casier judiciaire de toutes les personnes condamnées pour objection de conscience. Les législateurs doivent agir maintenant pour rendre le projet de loi conforme au droit international relatif aux droits humains et aux normes en la matière, et faire en sorte que les sanctions à l’égard des objecteurs de conscience soient reléguées aux livres d’histoire.

Preoccupations principales

Au titre du droit international relatif aux droits humains, la durée du service de remplacement doit être comparable à celle du service militaire, et toute durée supplémentaire doit être basée sur des critères raisonnables et objectifs. Cependant, le nouveau projet de loi contrevient à toutes les normes internationales en la matière en fixant la durée du service de substitution à 36 mois, ce qui est bien plus long que la durée du service militaire dans la plupart des branches de l’armée, et représente le double de la durée du service militaire classique. Les raisons avancées pour justifier cette durée supplémentaire ne sont ni suffisantes ni appropriées. Si ce projet de loi était adopté, le service de remplacement sud-coréen serait le plus long au monde, et témoignerait d’une volonté de décourager ou de pénaliser l’objection de conscience.

De plus, les décisions concernant la reconnaissance des objecteurs de conscience devraient être prises par un organe entièrement civil, complètement séparé des autorités militaires, dont la composition devrait garantir une indépendance et une impartialité maximales. À l’inverse, le projet de loi établit un « comité d’évaluation », chargé d’évaluer les demandes, qui fonctionnerait sous la responsabilité du ministère de la Défense nationale. De plus, le ministère de la Défense nationale nommerait près d’un tiers des membres du comité.

Le seul type de service de substitution expressément mentionné dans le projet de loi est le travail au sein des établissements pénitentiaires. Amnistie internationale a déjà recommandé au gouvernement de proposer différentes formes de service de remplacement qui soient de caractère civil, dans l’intérêt public, et non punitives ou discriminatoires en raison de leur nature ou de leurs conditions. Limiter les personnes à un seul type de service fait courir le risque d’une incompatibilité avec les raisons de l’objection de conscience. Des objecteurs de conscience et des organisations de la société civile sud-coréenne se sont dits préoccupés par le fait qu’après plus de 60 années où les objecteurs de conscience étaient envoyés en prison, le nouveau projet de loi continuerait d’envoyer des jeunes hommes dans les mêmes établissements, même si cela serait pour y travailler et non pour y être détenus.

De plus, le projet de loi ne permet pas aux personnes servant déjà dans l’armée de demander le statut d’objecteur de conscience. L’objection de conscience peut survenir à tout moment et il ne devrait y avoir aucune restriction absolue quant au moment où une personne peut demander à bénéficier d’un service de substitution. La possibilité de demander un service de remplacement devrait donc être accessible à tout moment, y compris pendant et après le service militaire.

Complément d’information

Après plus de 60 années au cours desquelles les objecteurs de conscience étaient systématiquement emprisonnés, deux arrêts historiques ont reconnu en 2018 le droit à l’objection de conscience en Corée du Sud. La Cour constitutionnelle, le 28 juin 2018, a ainsi statué que l’article 5(1) de la Loi relative au service militaire n’était pas conforme à la Constitution coréenne, car il ne comportait pas de dispositions prévoyant un service de substitution pour les objecteurs de conscience au service militaire. La Cour suprême, le 1er novembre 2018, a estimé que l’objection de conscience était un « motif valable » pour ne pas s’enrôler ou ne pas répondre à une convocation au service militaire. L’arrêt de la Cour constitutionnelle donne au gouvernement sud-coréen jusqu’au 31 décembre 2019 pour introduire un service de remplacement de nature civile.

Au titre de la loi actuellement en vigueur, des centaines de jeunes hommes sud-coréens ont été déclarés coupables et emprisonnés chaque année pour avoir refusé de faire leur service militaire en raison de leurs convictions, même s’ils étaient disposés à servir la société. Ils étaient généralement condamnés à une peine d’emprisonnement de 18 mois, mais comme ils se retrouvaient avec un casier judiciaire, ils subissaient des préjudices économiques et sociaux qui duraient bien au-delà de cette période.