• 1 juin 2022
  • Cuba
  • Communiqué de presse

Cuba. Les artistes emprisonnés doivent être libérés : les poursuites bafouent la liberté d’expression et d’association

Le gouvernement cubain doit libérer immédiatement et sans condition Maykel Castillo Pérez et Luis Manuel Otero Alcántara, deux artistes dont le procès doit s’ouvrir le 30 mai 2022, ont déclaré Amnistie internationale et Human Rights Watch le 26 mai 2022. Les gouvernements particulièrement concernés, notamment ceux d’Amérique latine et d’Europe, doivent observer le procès et demander la libération des artistes. 

Luis Manuel Otero Alcántara, artiste visuel, et Maykel Castillo Pérez, rappeur également connu sous le nom de « Osorbo », sont en détention provisoire depuis presque un an. Un procureur a requis respectivement sept et dix ans d’emprisonnement contre eux, pour plusieurs accusations liées à leur participation à une manifestation pacifique et à une performance artistique, ainsi qu’à leurs critiques du président Miguel Díaz-Canel. 

« Maykel Castillo Pérez et Luis Manuel Otero Alcántara sont poursuivis pour avoir exercé leur droit fondamental de critiquer leur propre gouvernement », a déclaré Tamara Taraciuk Broner, directrice adjointe de la division Amériques de Human Rights Watch. « Les gouvernements d’Amérique latine ne doivent pas rester muets alors que des artistes sont menacés d’emprisonnement pour avoir exprimé leurs opinions, une pratique illustrant l’extrême intolérance caractéristique des dictatures violentes qui ont marqué la région par le passé. » 

« Les gouvernements des Amériques et d’Europe doivent observer attentivement le procès dont font l’objet ces prisonniers d’opinion cubains, qui n’auraient pas dû passer un seul jour en prison », a déclaré Erika Guevara-Rosas, directrice d’Amnistie internationale pour les Amériques. « Dans un pays dans lequel plus de 700 personnes, parmi lesquelles des enfants de moins de 18 ans, sont emprisonnées pour s’être simplement exprimées, il est extrêmement important de veiller à ce que ces procès fassent l’objet d’une surveillance internationale. » 

Luis Manuel Otero Alcántara, membre du mouvement San Isidro, créé pour critiquer la censure du gouvernement, a été placé en détention le 11 juillet 2021, après avoir publié une vidéo dans laquelle il faisait part de son intention de prendre part à des manifestations organisées sur toute l’île ce même jour. Plus de 700 personnes arrêtées pendant ces manifestations sont toujours en détention, d’après le groupe cubain de défense des droits Cubalex. Maykel Castillo Pérez, l’un des auteurs de la chanson « Patria y Vida » (« Patrie et vie »), une chanson critiquant le gouvernement cubain qui est devenue un hymne de contestation, a été arrêté par des agents de la sécurité de l’État le 18 mai 2021. 

Maykel Castillo Pérez, qui avait déjà fait l’objet de plusieurs brèves détentions arbitraires, a été arrêté chez lui. Sa famille ignorait où il se trouvait jusqu’au 31 mai 2021, lorsque les autorités cubaines ont révélé qu’il était détenu à la prison de Pinar del Río, où il se trouve encore à ce jour. Ce n’est que quelques jours après que le Comité des Nations unies sur les disparitions forcées a demandé au gouvernement cubain de révéler le lieu de détention de Maykel Castillo Pérez que sa famille a été informée. 

En janvier 2022, le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a conclu que Maykel Castillo Pérez était détenu arbitrairement et a déclaré que le gouvernement cubain devait le libérer immédiatement. Les experts des Nations unies ont conclu que Maykel Castillo Pérez avait été arrêté pour avoir exercé ses droits fondamentaux et que les garanties d’une procédure régulière avaient été bafouées, notamment par des limitations excessives de son droit de se défendre contre les accusations dont il fait l’objet. Les experts ont trouvé des éléments de preuve crédibles que Maykel Castillo Pérez avait déjà été arrêté plus de 120 fois avant cette dernière arrestation pour avoir participé à des manifestations et critiqué le gouvernement cubain. 

En février, un procureur de La Havane a requis une peine de 10 ans de prison contre Maykel Castillo Pérez pour « trouble à l’ordre public », « diffamation des institutions et organisations nationales, des héros et martyrs de la nation », « outrage » et « agression ». Un document judiciaire que Human Rights Watch et Amnistie internationale ont pu consulter indique que certaines accusations sont liées à des mèmes que Maykel Castillo Pérez a publiés sur Facebook critiquant le président Miguel Díaz-Canel et d’autres autorités cubaines. D’autres accusations sont liées à une manifestation du 4 avril 2021 organisée à La Havane, pendant laquelle un policier avait essayé d’arrêter Maykel Castillo Pérez et un groupe de voisins l’avait défendu, empêchant l’arrestation. 

Luis Manuel Otero Alcántara, qu’Amnistie internationale a déclaré prisonnier d’opinion plusieurs fois lors de diverses arrestations arbitraires, est détenu à la prison de sécurité maximale de la province d’Artemisa. 

Le même document judiciaire indique que le procureur requiert une peine totale de sept ans d’emprisonnement contre Luis Manuel Otero Alcántara. Il est poursuivi pour « outrage aux symboles de la nation » pour avoir utilisé le drapeau cubain dans la performance artistique intitulée « Drapeau », dans laquelle il portait le drapeau cubain ou l’emmenait avec lui 24 heures sur 24 pendant un mois. 

Le procureur l’a également inculpé de « trouble à l’ordre public » et d’« outrage » pour s’être réuni avec Maykel Castillo Pérez et d’autres personnes lors de la manifestation du 4 avril, pour avoir chanté « Patria y vida » en public et pour avoir tenu des « propos insultants » sur l’ancien président Raúl Castro. 

Human Rights Watch et Amnistie internationale ont appris que les autorités cubaines avaient proposé à plusieurs reprises à Maykel Castillo Pérez et à Luis Manuel Otero Alcántara de les libérer s’ils quittaient le pays indéfiniment, ce qui s’inscrit dans le cadre d’une pratique de longue date appliquée à d’autres détracteurs ces derniers mois et bafoue le droit d’entrer dans son propre pays. Luis Manuel Otero Alcántara a publiquement rejeté la proposition. Les autorités cubaines semblent être revenues sur la proposition qu’ils avaient faite à Maykel Castillo Pérez. 

Personne ne devrait être forcé à choisir entre quitter son pays ou faire l’objet d’accusations pénales abusives qui ne devraient même pas entraîner de poursuites ou d’emprisonnement, ont déclaré Human Rights Watch et Amnistie internationale. 

Les poursuites contre Luis Manuel Otero Alcántara et Maykel Castillo Pérez s’inscrivent dans le cadre d’une pratique systématique de violations à l’encontre des artistes et autres détracteurs du gouvernement et manifestants cubains. Ces dernières années, les autorités cubaines ont emprisonné, poursuivi et forcé à l’exil des dizaines d’artistes cubains, notamment certains membres du Mouvement San Isidro et de « 27N », qui réunissent des artistes, des intellectuels et des journalistes critiques du gouvernement. 

Les autorités cubaines se sont également rendues responsables de détentions arbitraires et de mauvais traitements de détenus et ont tenu des procès collectifs iniques, principalement à huis clos, en réponse à des manifestations très largement pacifiques contre le gouvernement organisées en juillet 2021. Des dizaines de manifestants ont été condamnés à des peines allant jusqu’à 30 ans de prison à l’issue de procès dans le cadre desquels des procureurs les ont souvent inculpés d’infractions définies en des termes vagues, comme « trouble à l’ordre public » et « sédition ». 

Les autorités cubaines doivent abandonner les charges portées contre les manifestants et les détracteurs et conçues pour museler la dissidence, ont déclaré Human Rights Watch et Amnistie internationale. Dans la mesure où ces procès se tiennent, les autorités doivent permettre aux journalistes, aux observateurs des droits humains et aux membres du personnel d’ambassades étrangères d’être présents, notamment à celui de Luis Manuel Otero Alcántara et Maykel Castillo Pérez, ont déclaré les organisations.