• 21 Sep 2022
  • Canada
  • Communiqué de presse

Canada. La Nouvelle-Écosse va mettre fin à la détention des personnes migrantes dans les prisons

La campagne #BienvenueAuCanada célèbre la deuxième province à mettre fin à son contrat fédéral et appelle le gouvernement québécois à suivre ce mouvement. 

La confirmation faite par la Nouvelle-Écosse de son intention de mettre fin à son contrat de détention des personnes migrantes avec l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) est une nouvelle victoire pour les droits des personnes migrantes et des réfugié·e·s, ont déclaré Human Rights Watch et Amnistie internationale aujourd'hui. Cette décision fait suite à la décision historique prise par la Colombie-Britannique le 21 juillet de mettre fin à son propre contrat avec l'agence frontalière. 

« Nous félicitons la Nouvelle-Écosse pour sa décision de renoncer à enfermer les personnes demandeuses d'asile et les personnes migrantes dans les prisons de la province uniquement pour motifs relatifs à l'immigration », a déclaré France-Isabelle Langlois, directrice générale d'Amnistie internationale Canada francophone. « Il existe désormais une pression claire pour mettre fin à cette pratique néfaste dans tout le pays. Nous exhortons les autres provinces et le gouvernement fédéral à suivre cet exemple. » 

Suite à cette décision de la Nouvelle-Écosse et dans le cadre des élections provinciales au Québec, Amnistie internationale invite à nouveau l'ensemble des candidat·e·s à se positionner sur cet enjeu majeur et appelle le gouvernement québécois à résilier les contrats avec le gouvernement fédéral permettant la détention des personnes migrantes au Québec afin que le Québec devienne la troisième province à mettre fin à la détention des personnes migrantes et à respecter leurs droits.  

« Dans les provinces de l'Atlantique et dans tout le pays, les personnes migrantes et les personnes demandeuses d'asile sont trop souvent confrontées à une détention abusive et illimitée en matière d'immigration, ce qui est particulièrement traumatisant pour celles qui fuient la guerre ou la persécution à la recherche d'un refuge sûr », a déclaré Julie Chamagne, directrice générale de la Halifax Refugee Clinic. « La décision de la Nouvelle-Écosse est un pas en avant important pour les droits humains. Nous appelons le gouvernement fédéral à adopter des changements législatifs et réglementaires robustes afin de mettre fin aux violations des droits dans ce système à travers le pays. » 

Au cours des cinq dernières années, l'ASFC a incarcéré des milliers de personnes pour des motifs liés à l'immigration dans des dizaines de prisons provinciales à travers le pays. En Nouvelle-Écosse, ces personnes sont détenues dans des prisons provinciales par défaut, car la province ne dispose pas de centre de détention dédié à la surveillance de l’immigration. Selon les informations obtenues en vertu de la loi sur l'accès à l'information et la protection de la vie privée, depuis avril 2021, le gouvernement fédéral paie à la Nouvelle-Écosse l'un des tarifs les plus élevés au pays - 392,30 $ CAD par jour - pour chaque personne détenue pour des raisons d'immigration. 

« Grâce à la décision de la Nouvelle-Écosse, les personnes migrantes détenues seront prochainement protégées contre les conditions corrosives et contraires aux droits humains des prisons de la province, où l'isolement cellulaire, les enfermements massifs et d'autres formes de violence institutionnelle routinière n'ont fait que s'intensifier depuis le début de la pandémie de Covid-19», a déclaré Sheila Wildeman, coprésidente de la East Coast Prison Justice Society et professeure agrégée de droit à l'Université Dalhousie. « Nous demandons au gouvernement fédéral d'utiliser les ressources consacrées au maintien de cette pratique brutale pour investir à la place dans des aides durables à l'établissement des personnes migrantes dans la communauté. » 

Dans un rapport publié en juin 2021, Human Rights Watch et Amnistie internationale ont constaté que les personnes migrantes détenues par les services canadiens de l'immigration sont régulièrement menottées, enchaînées et détenues avec peu ou pas de contact avec le monde extérieur. Le Canada fait partie des quelques pays de l’hémisphère Nord qui n'ont pas de limite légale quant à la durée de la détention des personnes migrantes, ce qui signifie que des personnes peuvent être détenues pendant des mois ou des années sans aucune perspective de sortie.   

L'agence frontalière a toute la latitude de décider où les personnes détenues par les services d'immigration sont incarcérées, sans qu'aucune norme juridique ne guide la décision de l'agence de détenir une personne dans une prison provinciale plutôt que dans un centre de détention de l'immigration. Au cours de l'année qui a suivi le début de la pandémie de Covid-19, l'agence s'est appuyée davantage sur les prisons provinciales, y détenant 40 % des personnes incarcérées par les services d'immigration, soit au moins le double du pourcentage enregistré au cours de chacune des trois années précédentes. 
 
Les personnes souffrant de handicaps psychosociaux (troubles de santé mentale) sont victimes de discrimination tout au long du processus de détention aux fins de l'immigration. Par exemple, la politique de l'ASFC indique que les personnes migrantes détenues souffrant d'un handicap psychosocial peuvent être incarcérés dans des prisons provinciales plutôt que dans des centres de surveillance de l’immigration afin d'avoir accès à des « soins spécialisés ». Les personnes racisées, notamment les personnes noires, semblent être incarcérées plus souvent dans des prisons provinciales plutôt que dans des centres de surveillance de l’immigration et plus longtemps quand elles sont détenues dans les centres de surveillance de l’immigration.  

« La décision de la Nouvelle-Écosse est une victoire capitale en matière de droits humains qui consacre la dignité et les droits des personnes qui viennent au Canada en quête de sécurité ou d'une vie meilleure », a déclaré Samer Muscati, directeur associé des droits des personnes en situation de handicap à Human Rights Watch. « Alors que deux provinces ont maintenant annulé leurs contrats de détention d'immigrants en quelques semaines, le gouvernement fédéral devrait faire preuve de leadership en annulant les accords encore en vigueur, lesquels sont au cœur de tant de violations des droits. » 

La décision de la Nouvelle-Écosse contribue à créer un puissant élan en faveur de la cessation de la détention des personnes migrantes dans les prisons provinciales, ont déclaré Human Rights Watch et Amnistie internationale. Depuis le lancement de la campagne #BienvenueAuCanada en Nouvelle-Écosse il y a six mois, environ 4 600 personnes ont appelé la province à prendre cette mesure. Au Québec, plus de 8000 personnes ont signé la pétition contre les contrats de détentions.