• 8 mai 2024
  • Canada
  • Lettre ouverte

La dignité des personnes migrantes : NON NÉGOCIABLE !

Par Nina Gonzalez, du Centre des travailleurs et travailleuses immigrants. 

Le très honorable Premier Ministre Justin Trudeau,

L’honorable Ministre Marc Miller,

Les 34 organisations signataires réaffirment avec force leur exigence d’un programme de régularisation complet et inclusif. Elles déplorent l’inaction du gouvernement fédéral sur ce sujet depuis deux ans et demi alors qu’il multiplie les mesures rendant plus difficiles la vie des personnes migrantes et immigrantes, contribuant à faire basculer plusieurs d’entre elles dans la situation de sans statut. En outre, les déportations ont vertigineusement augmenté : en cumulant les années 2022 et 2023, elles atteignent 23 000; c’est le plus haut niveau depuis 2012, année au cours de laquelle le gouvernement Harper avait déporté 19 000 personnes. 

Nous critiquons vivement cette approche contradictoire. Le gouvernement fédéral a notamment limité les entrées d’étudiantes et d’étudiants étrangers et de leur famille, ainsi que celles de demandeurs et demandeuses d’asile (par le biais de la fermeture du chemin Roxham et le rétablissement du visa pour les Mexicaines et Mexicains), les condamnant à emprunter des chemins plus dangereux. On punit aujourd’hui les mêmes personnes que l’on a qualifiées d’essentielles pendant la pandémie. On leur reproche de constituer un poids pour les services publics alors qu’elles contribuent toujours à assurer la pérennité de ces services et à maintenir à bout de bras un nombre grandissant de secteurs économiques en butte aux pénuries de main-d’œuvre, en étant souvent sous-payées et abusées.  

Cette stratégie à courte vue vient nourrir les discours anti-immigrants et anti-demandeurs d’asile, au lieu de les dénoncer pour ce qu’ils sont : des discours xénophobes ou racistes qui méprisent la contribution, la dignité et les droits fondamentaux des personnes migrantes et les transforment en boucs émissaires. 

C’est pourquoi les organisations signataires soulignent haut et fort :

Non, les personnes migrantes ne sont pas responsables de la crise du logement, ni au Canada, ni au Québec. 

C’est la spéculation immobilière encouragée de facto par l’absence ou l’insuffisance, depuis de nombreuses années, de politiques publiques d’aide au logement social et réellement abordable qui sont en cause. Les personnes sans statut sont elles aussi victimes de cette crise. La régularisation de ces personnes, qui vivent déjà ici, n’exercerait aucune pression supplémentaire sur le marché locatif. 

Non, les personnes demandeuses d’asile ne mettent pas en péril une soi-disant “capacité d'accueil”. 

Cette notion n’a aucun fondement scientifique. La capacité d'accueil dépend de la volonté d’accueil, qui elle-même dépend d’un projet de société où le logement et les services publics de qualité sont accessibles à la population et non pas en voie de privatisation; où la justice sociale rime avec la lutte contre les inégalités; où les femmes migrantes peuvent accoucher en toute sécurité et sans devoir payer quelques 10 000 $ et où tous les enfants ont accès aux services d’éducation à la petite enfance;

Non, les travailleuses et travailleurs temporaires ou demandeurs et demandeuses d’asile ne sont pas responsables du déclin du français. 

En cause : le fait de recourir à des programmes temporaires, au lieu de proposer l’intégration par la voie de la résidence permanente en se donnant les moyens budgétaires d’une vraie politique de francisation.  

 Nous réaffirmons que nous exigeons : 

La mise en œuvre sans délai d’un programme de régularisation complet et inclusif.

Son objectif ne peut se réduire à combler à court-terme des pénuries de main-d'œuvre. Il s’agit de mettre sans délai un terme aux conditions de misère, de harcèlement et de surexploitation dans lesquelles se débattent nombre de personnes sans papiers. Le programme doit assurer une vie décente à ces centaines de milliers de personnes qui sont intégrées à la société et qui aspirent à y contribuer pleinement à titre de citoyennes et de citoyens libres d’exercer leurs droits.

Le moratoire immédiat des déportations et des détentions dans l’attente du programme de régularisation.

Les personnes qui se retrouvent sans papier ont perdu leur statut le plus souvent à cause des failles de ce système d’immigration à deux vitesses, qui perpétue une histoire colonialiste et raciste.

L’abolition du permis de travail “fermé” attaché à un employeur unique, source de perte de statut  

Cette situation peut en outre mener à de l’esclavage moderne selon les propos du rapporteur spécial de l’ONU en septembre 2023. Les politiques d’immigration doivent prioriser l’accès à la résidence permanente.

Ces mesures enclencheraient une véritable rupture avec le système d’immigration à deux vitesses qui a pris de plus en plus d’ampleur au Canada depuis la seconde moitié du 20ème siècle, et qui affecte plus particulièrement les populations issues des pays du Sud Global : celles-ci se voient le plus souvent confinées à des statuts temporaires et de plus en plus précaires, qui les exposent à l'exploitation et aux abus de toutes sortes. 

Au-delà de ces revendications qui animent la Campagne québécoise pour la régularisation des personnes sans statut migratoire, c’est d’un autre projet de société dont nous rêvons, qui renoue avec la justice sociale et ne piétine pas les droits fondamentaux des êtres humains, dont les personnes migrantes et immigrantes, quel que soit leur statut migratoire.

Signatures

  1. Action Réfugiés Montréal
  2. Amnistie internationale Canada francophone
  3. Association pour les droits des travailleuses.rs de main et de ferme (DTMF)
  4. Centrale des syndicats démocratiques (CSD)
  5. Centrale des syndicats du Québec (CSQ)
  6. Centre d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS) de l’Est du Bas-Saint-Laurent
  7. Centre des travailleurs et travailleuses immigrants (CTTI)
  8. Centre femmes de la Mitis
  9. Centre femmes de Rimouski
  10. CLEF Mitis-Neigette
  11. Clinique pour la justice migrante (CJM)
  12. Collectif pour un Québec sans pauvreté
  13. Comité logement Bas-Saint-Laurent (CLBSL)
  14. Confédération des syndicats nationaux (CSN)
  15. Conseil canadien pour les réfugiés (CCR)
  16. Conseil central de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine (CCGIM-CSN)
  17. Conseil central des syndicats nationaux des Laurentides (CCSNL)
  18. Conseil central des syndicats nationaux de l’Estrie (CCSNE-CSN)
  19. Conseil central du Montréal métropolitain-CSN (CCMM-CSN)
  20. Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)
  21. Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ)
  22. Foyer du Monde
  23. Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU)
  24. La Débrouille
  25. Le Québec c’est nous aussi (LQCNA)
  26. Ligue des droits et libertés (LDL)
  27. Médecins du monde Canada
  28. Migrante Québec
  29. PINAY (Organisation des femmes philippines du Québec)
  30. Réseau d’aide aux travailleuses et travailleurs migrants agricoles du Québec (RATTMAQ)
  31. Service jésuite des réfugiés (SJF) Canada
  32. Solidarité sans frontières (SSF)
  33. Table de concertation des groupes de femmes du Bas-Saint-Laurent (TCGFBSL)
  34. Table de concertation des organismes au services des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI)