• Tunisie

UN ARTISTE INCARCÉRÉ POUR AVOIR CRITIQUÉ LE PRÉSIDENT

CONTEXTE

Le 31 janvier 2024, la cour d’appel de Monastir, en Tunisie, a condamné l’artiste Rached Tamboura à deux ans d’emprisonnement sur la base d’accusations fallacieuses liées à l’exercice du droit à la liberté d’expression. Rached Tamboura a réalisé une série de graffitis dénonçant les propos racistes du président Kaïs Saïed visant des migrant·e·s subsahariens. Les forces de police ont arrêté Rached Tamboura tard dans la nuit du 17 au 18 juillet 2023, quelques heures après qu’il eut réalisé les derniers graffitis. Le 4 décembre 2023, le tribunal de première instance de Monastir l’a déclaré coupable et condamné à deux ans d’emprisonnement pour « offense contre le chef de l'État » et pour avoir « produit et promu de fausses nouvelles dans le but de porter atteinte aux droits d’autrui ou porter préjudice à la sûreté publique ou à la défense nationale ou de semer la terreur parmi la population », respectivement au titre de l’article 67 du Code pénal et de l’article 24 du décret-loi n° 54. Rached Tamboura est actuellement incarcéré dans la prison de Zaghouan, où proteste activement contre son arrestation. Les autorités tunisiennes doivent libérer immédiatement Rached Tamboura et annuler sa déclaration de culpabilité et sa condamnation qui sont liées uniquement à l’exercice pacifique de son droit à la liberté d’expression.

PASSEZ À L’ACTION : ENVOYEZ UN APPEL EN UTILISANT VOS PROPRES MOTS OU EN VOUS INSPIRANT DU MODÈLE DE LETTRE CI-CONTRE

 Rached Tamboura (28 ans) est artiste et étudiant en calligraphie arabe à Tunis.

La police l’a arrêté dans la nuit du 17 au 18 juillet 2023 à la suite d’un signalement de la délégation de Monastir, et maintenu en détention pendant deux jours dans l’attente d’une enquête sur une série de graffitis qu’il avait réalisés et qui critiquaient le président Kaïs Saïed en raison de propos tenus par ce dernier en février 2023 visant les migrant·e·s subsahariens, propos qui avaient déclenché une vague de haine et de racisme ayant conduit à des expulsions massives et des attaques contre des migrant·e·s et des Tunisien·ne·s noirs.

Selon son avocat, au moment de son arrestation, la police a interrogé Rached Tamboura sans qu’il bénéficie d’une assistance juridique. Vers 16 heures le 18 juillet, le parquet a ordonné le maintien de Rached Tamboura en garde à vue pendant 48 heures. Rached Tamboura a été entendu par un juge d’instruction du tribunal de première instance de Monastir le 20 juillet 2023 et interrogé au sujet des chefs d’accusation retenus contre lui au titre de l’article 67 du Code pénal et de l’article 24 du décret-loi n° 54. Le juge a ordonné le placement de Rached Tamboura en détention provisoire. Le 26 janvier 2023, le juge d’instruction a terminé son enquête et a déféré en jugement Rached Tamboura pour « offense contre le chef de l'État » et pour avoir « produit et promu de fausses nouvelles dans le but de porter atteinte aux droits d’autrui ou porter préjudice à la sûreté publique ou à la défense nationale ou de semer la terreur parmi la population », au titre de l’article 67 du Code pénal et de l’article 24 du décret-loi n° 54. Le 4 décembre 2023, le tribunal de première instance de Monastir a déclaré Rached Tamboura coupable des deux chefs retenus contre lui et l’a condamné à deux ans d’emprisonnement. Le 31 janvier 2024, cette peine a été confirmée en appel.

Le 25 juillet 2021, le président Kaïs Saïed s’est octroyé les pleins pouvoirs, invoquant des pouvoirs d’exception prévus selon lui par la Constitution tunisienne de 2014. Depuis février 2023, la situation des droits humains en Tunisie se dégrade rapidement. Des figures de l’opposition, des dissidents et des personnes considérées comme des ennemis du chef de l’État et des détracteurs du gouvernement sont pris pour cible et harcelés. Cette répression de l’opposition et des personnes qui critiquent les autorités menace les droits humains en Tunisie, notamment les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique, garantis par les articles 19, 21 et 22 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et par les articles 9, 10 et 11 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, auxquels la Tunisie est partie.

À la suite des propos discriminatoires tenus par le président Kaïs Saïed en février 2023, des centaines de personnes migrantes ou réfugiées ont été agressées, expulsées ou arrêtées de façon arbitraire dans l’impunité la plus totale. Depuis juillet 2023, les forces de sécurité ont procédé massivement à l’arrestation et à l’expulsion arbitraire de plusieurs milliers de personnes migrantes, demandeuses d’asile ou réfugiées, dont des enfants, vers la Libye et l’Algérie. Entre juillet et août, au moins 28 personnes sont mortes dans la région désertique située le long de la frontière libyenne. 

LETTRE À ENVOYER

Monsieur le Président de la République,

Je vous écris afin de vous faire part de ma vive inquiétude au sujet du maintien en détention arbitraire de l’artiste Rached Tamboura, qui résulte uniquement du fait qu’il a pacifiquement exprimé des critiques par des moyens artistiques. Il a été déclaré coupable en violation de traités internationaux relatifs aux droits humains, notamment de l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et de l’article 9 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, auxquels la Tunisie est partie.

Le 18 juillet 2023, les forces de sécurité ont arrêté Rached Tamboura après qu’il eut peint une série de graffitis vous représentant, Monsieur le Président de la République, sur un mur d’un bâtiment des autorités locales. La série de graffitis entendait dénoncer les propos que vous avez tenus le 21 février lors d’une réunion du Conseil national de la sécurité, ainsi que le protocole d'accord signé avec l’Union européenne  sur la migration, qui ont déclenché une montée des violences racistes contre les personnes noires dans le pays. 

Les personnes ont le droit d’exprimer des opinions dissidentes et ne doivent pas être arrêtées arbitrairement pour avoir exercé leurs droits. 

Le 31 janvier 2024, la cour d’appel de Monastir a confirmé la peine de deux ans d’emprisonnement prononcée en première instance en décembre 2023 contre Rached Tamboura pour « offense contre le chef de l'État » et pour avoir « produit et promu de fausses nouvelles dans le but de porter atteinte aux droits d’autrui ou porter préjudice à la sûreté publique ou à la défense nationale ou de semer la terreur parmi la population », respectivement au titre de l’article 67 du Code Code pénal et de l’article 24 du décret-loi n° 54.

Je vous demande en conséquence de libérer immédiatement Rached Tamboura et d’annuler sa déclaration de culpabilité et sa condamnation puisqu’elles sont uniquement basées sur le fait qu’il a exercé pacifiquement son droit à la liberté d’expression et sur ses activités militantes. Dans l’attente de sa libération, je vous prie de veiller à ce qu’il bénéficie de soins médicaux adaptés, conformément aux normes internationales et à l'éthique médicale, notamment conformément aux principes de confidentialité, d’autonomie et de consentement éclairé. De plus, je vous demande de mettre un terme aux arrestations ciblées visant des détracteurs qui n’ont fait qu’exercer sans violence leur droit à la liberté d’expression. 

Veuillez agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de ma très haute considération.

APPELS À  

Président de la République, Kaïs Saïed
Route de la Goulette
Site archéologique de Carthage, Tunisie
Courriel : contact@carthage.tn
Twitter : @TnPresidency

COPIES À  

Mélanie Joly
Ministre des Affaires étrangères
111, rue Wellington
Ottawa (Ontario) K1A 0A6
Aucun timbre requis
Courriel:  melanie.joly@parl.gc.ca  

Son Excellence M. Lassaad BOUTARA
Ambassadeur
Ambassade de la République tunisienne
515, rue O'Connor
Ottawa, ON K1S 3P8
Canada
Tel: (613) 237-0330, -0332 Fax: (613) 237-7939
Email: at.ottawa@diplomatie.gov.tn
Mme Mouna DALDOUL EP BOUTARA