• 17 mai 2018
  • Canada
  • Communiqué de presse

L’ONU conclut son examen sur le respect des droits humains par le Canada : l’heure est maintenant à la transparence, au dialogue et à l’action

En réaction à l’adoption, aujourd’hui, des conclusions d’un examen important de l’ONU sur le bilan canadien des droits humains, Amnistie internationale joint sa voix à celles de 30 organisations de peuples autochtones et groupes de la société civile pour inviter le gouvernement fédéral à rompre avec un passé synonyme de réponses décevantes aux examens sur le respect de ses obligations internationales en la matière, et à prendre plutôt des mesures audacieuses et concrètes pour l’application des recommandations impératives qu’on lui a formulées.

Le 11 mai 2018, le Canada a été soumis à l’examen périodique universel (EPU) du Conseil des droits de l’homme de l’ONU; il s’agissait du troisième examen du genre pour le pays depuis la création de l’EPU, en 2008, et du premier pour le gouvernement Trudeau. Le rapport d’aujourd’hui comprend 275 recommandations pour une réforme des droits de la personne, adressées au Canada par 107 gouvernements.

« Bien que le Canada adhère à de nombreux traités internationaux sur les droits humains et participe activement aux différents examens que mènent l’ONU et d’autres organisations internationales pour tous les pays, il est loin de présenter un bilan reluisant quand il s’agit de respecter et d’appliquer les recommandations importantes – et souvent urgentes – qui lui sont faites, souligne Alex Neve, secrétaire général de la section canadienne anglophone d’Amnistie internationale. Les ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux responsables des droits humains ont tenu l’année dernière un premier sommet en près de 30 ans, principalement en reconnaissance de l’inefficacité de l’approche du Canada pour l’exécution de ses obligations internationales en la matière. Tout commence par la réponse à cet EPU, qui nous indiquera si l’engagement pris par les gouvernements en décembre dernier va réellement se concrétiser. »

Le Canada dispose maintenant de quatre mois pour étudier les recommandations, après quoi il fera rapport au Conseil des droits de l’homme, en septembre, sur celles qu’il est prêt à suivre. Ces recommandations orienteront les actions qu’entreprendra le pays sous les yeux du monde d’ici le prochain examen, en 2022.

« La prise en compte de ces 275 recommandations par le Canada dans les quatre prochains mois est une étape cruciale de l’EPU. Il est d’ailleurs primordial que les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux préparent leur réponse en collaboration avec les organisations de peuples autochtones, et que les groupes de la société civile et le grand public aient sans délai l’occasion de participer et de donner leur avis, fait valoir Geneviève Paul, directrice générale de la section canadienne francophone d’Amnistie internationale. Et qui dit approche crédible dit transparence et dialogue de fond. C’est ce à quoi nous nous attendons des gouvernements d’ici à ce que le Canada fasse rapport à l’ONU, en septembre ».

Amnistie internationale ainsi que nombre d’organisations de peuples autochtones et de groupes de la société civile ont préparé une réponse officielle à l’EPU du Canada. Ils y soulèvent des préoccupations et y proposent des recommandations sur un vaste éventail d’enjeux touchant aux droits de la personne, notamment : les droits des peuples autochtones; l’égalité entre les sexes (y compris la violence fondée sur le sexe); les droits des réfugiés et des migrants; les responsabilités des entreprises; le respect des droits économiques, culturels et sociaux; la sécurité nationale; la justice pénale; la ratification de plusieurs traités; et le renforcement de l’approche pour l’application des principes relatifs aux droits humains. Bien des points soulevés par Amnistie internationale et d’autres organisations trouvent écho dans les recommandations formulées par les États. L’organisme entend inciter les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux à accepter ces recommandations et à s’engager à les mettre en œuvre.

Amnistie internationale accueille très favorablement le fait que dès le début de la présentation du 11 mai à l’ONU, la délégation canadienne, conduite par la ministre de la Justice Jody Wilson‑Raybould, a formulé nombre d’engagements volontaires importants sur l’approche du pays pour l’exécution de ses obligations internationales, sur un éventail d’enjeux touchant aux droits des peuples autochtones et sur le droit à un logement convenable. L’organisme souhaite que le Canada prenne immédiatement des mesures concrètes relativement à ces engagements et déploie les ressources nécessaires pour les réaliser pleinement.

« Nombre des enjeux les plus fréquemment soulevés par les gouvernements dans cet EPU rejoignent ceux des deux derniers EPU du Canada, ainsi que des examens effectués par les comités qui surveillent l’application des traités de l’ONU et d’autres spécialistes ou organes internationaux. La situation a assez duré, affirme Alex Neve. Ce sont les mêmes recommandations qui reviennent et qu’on ignore depuis des années, voire des décennies. Dans le cadre de cet EPU, le Canada a exprimé sa volonté et son intention d’améliorer considérablement ses mécanismes de respect des obligations et de suivi des recommandations relatives aux droits humains, ainsi que son bilan en la matière. Pour commencer, il pourrait dès maintenant donner suite aux recommandations urgentes formulées en août dernier par le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale de l’ONU (CEDR) relativement au non-respect des droits des Autochtones dans la décision de construire le barrage du Site C, aux répercussions de la catastrophe de la mine du mont Polley en Colombie-Britannique, et à l’Entente sur les tiers pays sûrs, censée protéger les réfugiés à la frontière canado-américaine. En août, le Canada sera tenu en priorité de faire rapport au CEDR relativement à ces préoccupations. Ce sera l’occasion parfaite de démontrer clairement que les propos encourageants tenus pendant l’EPU ne sont pas que des paroles en l’air. »

« Il y a deux raisons fort importantes pour lesquelles l’EPU doit être pris au sérieux, fait remarquer Geneviève Paul. Il s’agit d’abord et avant tout d’un moyen pour réagir aux violations des droits humains au Canada et entreprendre les réformes requises pour protéger ces droits. Ensuite, ses répercussions dans le monde sont loin d’être négligeables. À une époque où beaucoup trop de gouvernements continuent à ignorer et à miner les normes, les institutions et les procédures internationales visant les droits humains, comme l’EPU, il est essentiel que le Canada donne l’exemple. Par son engagement et sa conformité, le Canada montrera qu’il respecte l’EPU et, plus globalement, le système international des droits humains lui-même, ce qui peut contribuer à protéger ces droits à l’échelle de la planète. »

Le projet de document final adopté, avec les éventuelles modifications rédactionnelles apportées par les délégations des États membres, devrait être finalisé et rendu disponible au début du mois de juin 2018.