• 16 nov 2018
  • Yémen
  • Communiqué de presse

Les civils pris entre deux feux à Hodeida alors que le Conseil de sécurité tient des discussions au sujet du Yémen

À Hodeida, les civils risquent d'être massacrés à moins que le Conseil de sécurité des Nations unies ne prenne aujourd'hui les mesures nécessaires pour engager les parties au conflit au Yémen à les protéger et à garantir un accès sans entrave à l'aide humanitaire, a déclaré Amnistie internationale.  

Le Conseil de sécurité discute aujourd'hui à 15 heures, heure de l'Est (20 heures TU), du conflit et de la crise humanitaire au Yémen.

« Malgré l'accalmie de ces derniers jours, la situation à Hodeida reste extrêmement précaire, et les civils restent en danger de mort. Les centaines de milliers de civils pris au piège près des lignes de front doivent être protégés contre les combats et il faut leur permettre de sortir de la ville en toute sécurité, a déclaré Sherine Tadros, responsable du bureau d’Amnistie internationale auprès de l’ONU à New York.

« Les bombes et les balles ont tué des milliers de civils à travers le Yémen, et du fait de l'aggravation de la terrible crise humanitaire, des millions de personnes qui se trouvent déjà en situation d'insécurité alimentaire risquent de subir une famine de façon imminente. Le Conseil de sécurité doit demander à toutes les parties au conflit de protéger les civils en respectant le droit international humanitaire. Elles doivent garantir le passage sans entrave de l'aide humanitaire et des biens de première nécessité, y compris via le port d'Hodeida.

« L'heure n'est plus aux discussions et aux paroles d'encouragement. Tous les États, y compris les membres permanents du Conseil de sécurité comme les États-Unis, le Royaume-Uni et la France, doivent bloquer les flux d'armes destinées au conflit et faire tout ce qui est en leur pouvoir pour empêcher de nouvelles violations, faute de quoi ils font partie du problème. Ils doivent aussi faire clairement savoir que les responsables des crimes de guerre au Yémen devront répondre de leurs actes. »

Le 9 novembre, les forces yéménites – qui sont soutenues par l'Arabie saoudite et la coalition menée par les EAU – ont annoncé une « vaste offensive » visant à reprendre Hodeida, passée sous le contrôle des Houthis. Amnistie internationale a rassemblé des informations sur les graves menaces qui pèsent sur des centaines de milliers de civils qui se trouveraient toujours dans la ville, et qui ne peuvent pas en partir en raison de l'effondrement du riyal yéménite, de la flambée du prix du carburant et des loyers exorbitants pratiqués ailleurs.

L'Arabie saoudite et la coalition menée par les EAU, qui avaient annoncé en septembre leur intention d'ouvrir des couloirs humanitaires pour les civils fuyant la ville, n'ont pas tenu leurs engagements. Une seule route praticable subsiste, vers le nord. Si elle est fermée, les civils se retrouveront totalement encerclés et pris au piège dans une zone de conflit.

Ceux qui sont parvenus à fuir la ville ont rejoint les quelque 445 000 civils du gouvernorat d'Hodeida déplacés par les violences depuis juin 2018, d'après les chiffres des Nations unies.

Les forces houthies ont militarisé au moins un hôpital de la ville d'Hodeida et ont posé des mines sur plusieurs routes. Les Houthis se positionnent de plus en plus dans les maisons de civils dans des secteurs densément peuplés, cette stratégie risquant fortement d'amener la coalition à faire feu sur des zones habitées par des civils, ce qui aura des conséquences désastreuses.

En dehors d'Hodeida, les attaques menées par l'Arabie saoudite et les EAU ont frappé des personnes déplacées en raison des violences, et les attaques de la coalition ont touché des quartiers du centre-ville, notamment le secteur de l'hôpital al Thawra le 11 novembre, ce qui a contraint le personnel hospitalier et plusieurs centaines de patients à s'enfuir. L'hôpital al Thawra a de nouveau été touché cette semaine par des bombes dont on ignore l'origine.

Des milliers de civils risquent fortement d'être tués et blessés par des armes à tir indirect, notamment par des tirs de mortier et des tirs d'artillerie, de la part des deux parties au conflit. Ces armes sont non discriminantes quand elles sont utilisées contre des zones peuplées, en raison de leur imprécision et de leur large champ d'action.

Les combats à Hodeida empêchent l'accès aux entrepôts d'aide humanitaire et aux autres structures humanitaires, ce qui aggrave encore une situation humanitaire déjà catastrophique pour des millions de civils yéménites. Selon le Programme alimentaire mondial (PAM), des affrontements près du kilomètre 10 aux abords d'Hodeida l'empêchent d'avoir accès aux Moulins de la mer Rouge, où sont stockées 51 000 tonnes de blé – ce qui est suffisant pour nourrir 3,5 millions de personnes pendant un mois.

Le port d’Hodeida est d'une importance capitale pour le pays, qui dépend des importations pour satisfaire 80 % de ses besoins élémentaires. Amnistie internationale a déjà mis en garde contre le fait que la fermeture de ce point d'approvisionnement aggraverait ce qui constitue l'une des pires crises humanitaires au monde, alors que 14 millions de personnes – soit près de la moitié de la population du pays – sont en situation de pré-famine.