• 18 mai 2018
  • Égypte
  • Communiqué de presse

#MeToo et Time’s Up aident les femmes égyptiennes à briser le silence qui entoure les violences sexuelles

Azza Soliman

Des mouvements comme  #MeToo et Time’s Up ont remis les droits des femmes à l’ordre du jour. Cependant, loin des projecteurs, de nombreuses femmes et filles réclament la fin des violences sexuelles, du harcèlement et des inégalités, au péril de leur vie. Tout récemment, la militante égyptienne Amal Fathy a été arrêtée pour avoir diffusé sur Facebook une vidéo où elle racontait les actes de harcèlement sexuel dont elle avait été victime.

Quoi qu’il en soit, les femmes d’Égypte refusent de se taire. L’une de ces héroïnes méconnues est Azza Soliman, avocate et fondatrice du Centre d’assistance juridique aux Égyptiennes. Elle met sa sécurité et sa liberté en jeu pour défendre des victimes de violences sexuelles en Égypte. Et la tâche est loin d’être aisée...

J’ai été arrêtée et interrogée simplement parce que je faisais mon travail : défendre les victimes de violences en Égypte.

Il n’existe pas de loi exhaustive qui couvre toutes les formes de violences sexuelles dans le pays. De nombreuses personnes estiment que la faute revient aux femmes et aux filles qui les subissent, non aux auteurs, et les victimes sont couvertes de honte et stigmatisées.

La société égyptienne n’établit pas clairement ce qui constitue un acte de harcèlement ou une agression. Cela crée un environnement dans lequel les femmes et les filles n’osent pas s’exprimer. Les policières étant rares en Égypte, ce que les femmes vivent est souvent tu, la simple idée de signaler un harcèlement ou un viol à un agent masculin étant trop intimidante pour nombre d’entre elles.

Néanmoins, les campagnes mondiales #MeToo et Time’s Up contribuent à changer progressivement la manière dont les femmes et les filles parlent des violences en Égypte et les aident à briser le silence.

Voir des femmes de divers horizons, pays et statuts sociaux s’exprimer ouvertement a donné à bien des Égyptiennes le courage de raconter peu à peu leur vécu, anonymement ou sous leur vrai nom. Celles-ci ont même créé sur les réseaux sociaux un équivalent égyptien de #MeToo, traduit littéralement par « Ana Kaman ». En Égypte et ailleurs, les femmes sentent qu’elles ne sont pas seules et qu’elles sont fortes.

Cependant, si nous voulons que ce mouvement change la donne durablement, nous devons nous y investir. Nous devons faire en sorte que les femmes puissent dénoncer les violences sexuelles de manière plus simple et plus sûre. Il est nécessaire de mettre en place des outils pour que les allégations fassent l’objet d’enquêtes impartiales et efficaces et que les personnes qui effectuent des signalements soient protégées.

En tant qu’avocate et femme engagée dans la défense des droits humains, je souhaite m’assurer que les femmes et les filles disposent d’un espace d’expression sans danger. C’est un point sur lequel je travaille depuis de nombreuses années. Croyez-moi, ce n’est pas un combat facile et, pour moi, il a eu de lourdes conséquences.

J’ai été diffamée par les médias. J’ai fait l’objet de charges pénales. J’ai été accusée de porter atteinte à l’image de l’Égypte en diffusant de « fausses informations » sur le harcèlement sexuel et le viol. Un journal favorable au régime a publié ma photo, critiquant ma situation familiale et me reprochant d’« encourager les femmes à connaître leurs droits et à demander le divorce ». Je suis actuellement frappée d’une interdiction de quitter le territoire et mes actifs ont été gelés car j’ai été accusée de percevoir des fonds étrangers qui portent atteinte à l’image de l’Égypte et aux intérêts de mon pays. Malgré tout cela, je refuse de baisser les bras car il y a beaucoup à faire.

Je voudrais qu’il y ait davantage de discussions sur la lutte contre le harcèlement au travail, en particulier dans les environnements professionnels dominés par les hommes. Je voudrais que les droits des femmes figurent véritablement à l’ordre du jour. Et je voudrais que davantage de femmes parviennent à obtenir les postes à responsabilité qu’elles méritent.

J’espère qu’à l’avenir les victimes de violences pourront dénoncer ces crimes en toute sécurité, en sachant que l’État les protègera. Par ailleurs, l’Égypte doit se doter de lois spécifiques pour lutter contre la violence familiale.

Défendre les droits des femmes et les droits humains et faire en sorte qu’ils soient mieux respectés est un combat long et éreintant, mais je refuse d’abandonner. Je sais que je ne suis pas seule. À certains des moments les plus difficiles, j’ai été encouragée à continuer – dans le cadre de la campagne Écrire pour les droits d’Amnistie internationale, j’ai reçu des centaines de lettres de soutien.

Nous avons tous le même objectif : aider les femmes et les filles d’Égypte et concrétiser notre rêve d’une société juste et équitable, libérée de la violence. Il est motivant de voir les nouvelles générations reprendre le flambeau et montrer la voie vers un avenir meilleur. Les citoyens ont du pouvoir et je sais que, avec l’aide d’autant de personnes, le changement est possible.