Libye. Le Gouvernement d’unité nationale doit veiller à ce que les chefs de milices rendent des comptes au lendemain de la flambée de violence à Tripoli

En réaction aux affrontements armés qui ont éclaté le 12 mai 2025 à Tripoli entre diverses milices et ont abouti à la reddition de nombreux membres de la tristement célèbre milice de l’Autorité de soutien à la stabilité (SSA) et à l’assassinat de son chef, Abdel Ghani al Kikli, alias « Gheniwa », et en réaction aux décisions prises par le Gouvernement d’unité nationale le 13 mai, notamment la nomination d’un nouveau chef pour la sinistre Agence de sécurité intérieure (ISA) basée à Tripoli et la dissolution de la Direction de lutte contre la migration illégale (DCIM), Mahmoud Shalaby, chercheur sur l’Égypte et la Libye à Amnistie internationale, a déclaré :
« Pendant des années, l’Autorité de soutien à la stabilité (SSA) et l’Agence de sécurité intérieure (ISA) ont terrorisé la population de Tripoli en se livrant à des disparitions forcées, des actes de torture et d’autres crimes relevant du droit international. Des membres de la SSA ont soumis des centaines de personnes migrantes et réfugiées à la torture, au travail forcé et au viol après les avoir interceptées en mer et ramenées dans des centres de détention placés sous leur commandement.
« Aujourd’hui, le Gouvernement d’unité nationale doit donner la priorité aux droits des victimes et briser le cycle de l’impunité. Il doit veiller à ce que tous les membres de ces milices, y compris leurs chefs, qui sont soupçonnés d’avoir commis des crimes de droit international et de graves violations des droits humains aient à répondre de leurs actes. Le gouvernement doit immédiatement ouvrir des enquêtes approfondies, indépendantes, impartiales et transparentes sur les crimes commis par ces milices au cours des dernières années. Toutefois, l’obligation de rendre des comptes ne doit pas se muer en vengeance : les membres des milices qui sont arrêtés ou qui se rendent doivent être traités avec humanité pendant leur détention et être protégés contre le risque de torture ou de mauvais traitements.
« La nomination par le Gouvernement d’unité nationale du nouveau chef de l’Agence de sécurité intérieure (ISA) doit sonner le glas de la campagne malveillante de répression menée par l’ISA contre ceux qui exercent pacifiquement leurs droits fondamentaux. En outre, le gouvernement doit veiller à ce que l’ancien dirigeant de l’ISA, Lotfi al Harari, ait à rendre des comptes pour tous les crimes de droit international qui auraient été commis sous son commandement. En particulier, alors qu’il était chef adjoint de la Force centrale de sécurité d’Abou Salim, une autre milice, il est soupçonné d’être impliqué dans des crimes de droit international et des violations graves des droits humains depuis 2011, notamment des détentions arbitraires, des actes de torture et des disparitions forcées.
« La décision du Gouvernement d’unité nationale de dissoudre la Direction de lutte contre la migration illégale (DCIM) et d’intégrer ses membres au sein du ministère de l’Intérieur doit s’accompagner d’un contrôle individuel rigoureux et poussé afin que les auteurs présumés de crimes avérés contre les personnes migrantes et réfugiées – violences sexuelles, extorsion, travail forcé et conditions de détention inhumaines dans les centres de la DCIM – soient tenus de rendre des comptes.
Enfin, Amnistie internationale demande au Gouvernement d’unité nationale de veiller à la libération immédiate de toutes les personnes détenues sans inculpation ni fondement juridique dans des lieux de détention officiels ou non, sous le contrôle de l’Autorité de soutien à la stabilité (SSA) et d’autres milices, notamment l’Agence de sécurité intérieure (ISA). Toutes les personnes détenues arbitrairement doivent avoir accès à des recours efficaces.
Complément d’information
Le 12 mai 2025, des affrontements armés ont éclaté à Tripoli entre des milices rivales et des informations font état de l’assassinat de l’un des chefs de milice les plus puissants de Tripoli, Abdel Ghani al Kikli, connu sous le nom de « Gheniwa ». Le Centre de médecine d’urgence et de soutien, un établissement de santé gouvernemental, a déclaré que six cadavres ont été ramassés dans les rues du quartier d’Abou Salim à Tripoli après les affrontements, sans préciser s’il s’agissait de civils ou de combattants.
Le 13 mai, le Gouvernement d’unité nationale a pris plusieurs décisions, dont la création d’un comité gouvernemental chargé d’inspecter les lieux de détention et de veiller à ce que les détenus soient traités avec humanité. Ce comité doit également examiner la légalité des arrestations et des détentions afin de garantir que les décisions de libération ou de maintien en détention prises par les autorités judiciaires soient appliquées. Les décisions du Gouvernement d’unité nationale englobaient la dissolution de la Direction de lutte contre la migration illégale (DCIM), ainsi que la nomination d’un nouveau chef pour l’Agence de sécurité intérieure (ISA).
L’Autorité de soutien à la stabilité (SSA), créé par le Gouvernement d’unité nationale en 2021, était commandée par Abdel Ghani al Kikli, connu sous le nom de « Gheniwa », nommé en dépit du lourd passé de crimes de droit international et de graves violations des droits humains qui auraient été commis par les milices sous son commandement depuis le soulèvement de 2011. Amnistie Internationale a recueilli des informations sur des crimes, notamment des disparitions forcées et des morts en détention, imputables à des membres des milices de la SSA sous le commandement de « Gheniwa », ainsi que sur des interceptions en mer de personnes réfugiées et migrantes, opérations marquées par des actes de violence ayant donné lieu à des pertes de vies humaines en mer.
Depuis des années, Amnistie internationale recueille des informations sur les crimes relevant du droit international et les violations graves des droits humains commis dans les centres de détention de la Direction de lutte contre la migration illégale (DCIM), où des personnes migrantes et réfugiées sont détenues arbitrairement pendant une durée indéterminée et sont soumises à de l’extorsion et du travail forcé, à des conditions de détention cruelles et inhumaines s’apparentant parfois à de la torture, à des coups violents portés à l’aide d’objets divers et à des violences sexuelles.