• 1 Aoû 2025
  • Irak
  • Communiqué de presse

Irak. Les législateurs doivent veiller à ce que la nouvelle loi ne restreigne pas indûment les libertés d'expression et de réunion pacifique

À la veille du vote parlementaire sur un projet de loi relatif aux droits à la liberté d'expression et de réunion pacifique, prévu lors de la session du Parlement irakien samedi 2 août, Razaw Salihy, chercheur sur l'Irak à Amnistie internationale, a déclaré :

« Les législateurs doivent voter contre toute loi - ou proposer des amendements - qui viendrait s'ajouter à l'arsenal déjà déployé par les autorités pour restreindre l'espace civique, ou trahir les engagements constitutionnels et internationaux de l'Irak en matière de protection des libertés d'expression et de réunion pacifique.

« Partout en Irak, des militant·e·s et des journalistes sont harcelés, menacés et arrêtés arbitrairement, souvent sur la base d'accusations vagues de diffamation et d'autres dispositions du Code pénal contraires aux droits humains. Dans un contexte de températures extrêmes et de pénuries dramatiques d'eau et d'électricité, des militant·e·s sont arrêtés parce qu’ils dénoncent la corruption, et des journalistes sont harcelés judiciairement parce qu’ils critiquent les autorités. Les actes d'intimidation, les campagnes de dénigrement et la longue liste des mesures répressives ont un effet paralysant sur la liberté d'expression. 

« Ce projet de loi est présenté de manière furtive, dans le plus grand secret. Les organisations de la société civile ayant examiné les versions non officielles ont noté avec inquiétude qu’en cas d’adoption, ce texte se traduirait par de nouvelles violations des droits à la liberté d'expression et de réunion pacifique. Aujourd'hui, alors que les atteintes à la liberté d'expression se poursuivent sans relâche en Irak, un nouveau projet est mis sur la table. Le Parlement affirme que cette nouvelle version est conforme aux obligations constitutionnelles et internationales de l'Irak et " ne restreint pas le droit de réunion pacifique ". Cependant, en l'absence de véritable transparence et de débat public, la société civile ne peut que s’efforcer de deviner ce qui est soumis au vote des législateurs. Au regard des antécédents de l'Irak en matière de répression de la liberté d'expression et de réunion, il est à craindre que la nouvelle loi n'apporte pas les changements positifs dont le pays a tant besoin. »

Complément d’information

La première lecture du projet de loi a eu lieu le 3 décembre 2022 et la deuxième le 9 mai 2023. Ces textes de loi ont suscité un tollé général au sein de la société civile irakienne à l'époque, car s'ils étaient adoptés, ils auraient porté atteinte à des droits protégés par la législation nationale et les conventions internationales ratifiées par l'Irak. Amnistie internationale a eu accès aux projets de loi précédents : son analyse pointait des préoccupations quant aux restrictions disproportionnées imposées à la liberté d'expression sur fond de « moralité publique » ou d’« ordre public » et aux conséquences sur le droit à la liberté, car leur adoption aurait donné lieu à des arrestations et détentions arbitraires.

Dans la soirée du 31 juillet, le Parlement a publié une déclaration indiquant que les commentaires de la société civile avaient été pris en compte dans le nouveau projet de loi, rebaptisé « loi sur les rassemblements pacifiques », et que tous les articles relatifs à la liberté d'expression et aux sanctions pénales avaient été supprimés, dans l’idée de « ne pas restreindre les manifestations ». Or, les débats sur les amendements ont été principalement menés à huis clos, dans le cadre d'un processus qui, selon la société civile, a péché par manque de transparence et d’inclusion. Aucun projet de loi officiel soumis au vote n'ayant été rendu public, il est difficile d'évaluer s'il tient compte des critiques émises et si sa formulation est dûment alignée sur la législation irakienne et le droit international relatif aux droits humains.

En Irak, les autorités invoquent de plus en plus les articles du Code pénal relatifs à la diffamation, au vandalisme et à la destruction de bâtiments gouvernementaux pour arrêter et condamner des militants et des journalistes à des peines de prison allant de quelques mois à plusieurs années, ou à de lourdes amendes.