Lettre à la ministre de l'Environnement et du Changement climatique

Amnistie internationale Canada francophone a fait parvenir plus tôt cette semaine une lettre à l'Honorable Julie Dabrusin, ministre de l'Environnement et du changement climatique nouvellement nommée au sein du gouvernement fédéral.
Objet : Recommandations sur les droits humains et l’environnement qui doivent guider le Canada
Madame la Ministre,
Amnistie internationale Canada francophone vous félicite de votre nouvelle nomination en tant que ministre de l'Environnement et du Changement climatique.
Par la présente j’aimerais aussi vous assurer de mon entière collaboration, et celle de mon équipe, afin que les droits humains et le droit international soient au cœur de vos actions et décisions. Amnistie internationale est fermement convaincu que le Canada peut redevenir le leader des droits humains sur la scène internationale et au niveau national notamment en respectant ses obligations internationales telles que l’Accord de Paris (à ce sujet, nous vous ferons parvenir sous peu nos recommandations spécifiques).
Nous avons été ravis de constater que la plateforme électorale de votre parti faisait la promotion des énergies renouvelables afin de sécuriser les besoins en énergie tout en respectant les droits des Peuples autochtones notamment le consentement préalable, libre et éclairé. Cet engagement doit être central à la discussion sur la transformation nécessaire de l’économie canadienne face aux menaces du Trump.
Cela étant, je ne vous cacherai pas que nous sommes très inquiets du fait que le Canada se réchauffe deux fois plus vite que le reste du monde, tandis que l'Arctique canadien se réchauffe quatre fois plus vite. Les feux de forêts sont devenus un enjeu de premier ordre au Canada, et ceux-ci ont déjà débuté en Alberta et au Manitoba, entrainant les premières évacuations. Les droits à la vie, à la santé, à l'alimentation, à l'eau, au logement, à l'éducation, à un travail décent, les droits culturels et le droit à un environnement sain sont tous menacés comme jamais auparavant.
C’est pourquoi Amnistie internationale est hautement préoccupée par les changements climatiques, tant au Canada que dans le reste du monde, car leurs impacts sont immenses et multiples sur les droits humains
Par ailleurs, vous n'êtes pas sans savoir que le Canada est le 11e pays émetteur de gaz à effet de serre (GES) dans le monde.[i] Par habitant, le Canada finance davantage cette industrie que presque tous les autres pays du G20.[ii] À cela s’ajoute le fait que le dernier rapport du Commissaire à l’environnement et au développement durable nous informe que le Canada ne sera pas en mesure d’atteindre ses cibles de réduction des GES fixées pour 2030.[iii]
Chez Amnistie internationale, nous croyons à une transition juste. Nous comprenons les raisons qui font en sorte qu’un pays comme le Canada ne puisse pas du jour ou lendemain se désengager complètement des énergies fossiles. Nous comprenons également les pressions sur l’économie et les ressources que le nouvel ordre mondial qui se dessine entraine. Cependant, les décisions du Canada doivent demeurer éclairées par les principes de droits humains et ses engagements internationaux. La crise climatique demeure malgré tout, la pire crise à laquelle l’humanité n’a jamais été confrontée. Les enjeux sont de taille, mais un pays comme le Canada peut y faire face. Nous sommes convaincus qu’il en a la capacité et la légitimité sur la scène internationale.
Le Canada doit effectuer l’élimination complète, rapide, équitable et financée des combustibles fossiles dans tous les secteurs.
Nous enjoignons donc le Canada à maintenir des mesures de protection de l’environnement et des droits humains alignées sur les plus hauts standards dans la lutte contre la crise climatique. Le Canada ne doit pas céder à la tentation d’accélérer l'obtention des autorisations afin de concurrencer la Chine et les États-Unis dans les projets extractifs, que ce soient des énergies fossiles, des minéraux critiques ou autres ressources naturelles. Il est également important de ne pas limiter la participation du public, sous aucun prétexte, et ce faisant de respecter pleinement le droit au consentement libre, préalable et éclairé des Peuples autochtones, et donc leur droit à l’autodétermination.
Enfin, Madame la Ministre, je vous invite à prendre connaissance de l’Aperçu des droits humains au Canada que nous publions chaque année et je vous invite à prendre connaissance de la section portant sur le Canada dans le Rapport annuel international, et que nous venons de publier le 29 avril dernier, où de nombreux enjeux soulevés, comme le droit à un environnement sain, peuvent guider votre ministère dans la mise en place d’une feuille de route pour un Canada exemplaire et inspirant sur la scène internationale.
Enfin, je souhaite porter à votre attention qu’il existe deux sections d’Amnistie internationale au Canada, l’une anglophone, l’autre francophone. Bien que travaillant en étroite collaboration, il s’agit de deux organisations distinctes, jouissant d’un même statut au sein du mouvement international d’Amnesty International.
Veuillez accepter, Madame la Ministre, mes salutations les plus distinguées,
Bien à vous,
France-Isabelle Langlois
Directrice générale