• 21 Aoû 2023
  • Iran
  • Communiqué de presse

Iran. Les familles doivent avoir le droit de commémorer le 1er anniversaire de la mort de leurs proches tués lors du soulèvement, sans subir de représailles

Les familles des personnes tuées illégalement par les forces de sécurité iraniennes pendant le mouvement de révolte « Femme, Vie, Liberté » en 2022 doivent pouvoir célébrer le premier anniversaire de leur mort, a déclaré Amnistie internationale, alors que le pouvoir iranien durcit sa campagne de harcèlement et d’intimidation à l’égard des familles des victimes afin de les faire taire et de perpétuer l’impunité.

Dans ses nouvelles recherches publiées le 21 août 2023, Amnistie internationale explique que les autorités iraniennes soumettent les familles des victimes à des arrestations et détentions arbitraires, restreignent indûment les rassemblements pacifiques sur les lieux d’inhumation et détruisent les pierres tombales. Aucun responsable n’a eu à rendre des comptes pour l’homicide illégal de centaines d’hommes, de femmes et d’enfants commis par les forces de sécurité lors de la répression brutale du soulèvement populaire qui a embrasé l’Iran à la suite de la mort en détention de Mahsa/Zhina Amini, le 16 septembre 2022. Amnistie internationale estime que la souffrance psychologique et l’angoisse infligées aux familles endeuillées par ces pratiques abusives constituent une violation de l’interdiction absolue de la torture et des autres traitements cruels, inhumains ou dégradants en vertu du droit international.

« La cruauté des autorités iraniennes ne connaît pas de limites. Dans leur sinistre volonté de dissimuler leurs crimes, elles exacerbent la détresse et la souffrance des familles des victimes en les empêchant de réclamer justice, vérité et réparation, ou même de fleurir les tombes de leurs proches. Alors que l’anniversaire du soulèvement approche, les familles redoutent d’être en butte aux méthodes répressives habituelles pour les empêcher d’organiser des cérémonies, a déclaré Diana Eltahawy, directrice adjointe d’Amnistie internationale pour la région Afrique du Nord et Moyen-Orient.

« La communauté internationale doit soutenir ces familles et faire pression sur les autorités iraniennes, en privé et en public, pour qu’elles respectent leur droit à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique. Les familles doivent être mises à l’abri de la détention arbitraire, des menaces et autres représailles. Les États doivent aussi engager les autorités iraniennes à libérer toutes les personnes détenues pour avoir réclamé vérité et justice pour leurs morts, annuler toutes les condamnations et sentences iniques prononcées contre elles et abandonner toutes les charges visant les personnes exposées à des représailles pour s’être exprimées. »

Dans sa dernière publication, Amnistie internationale a recensé les cas de 36 familles de victimes originaires de 10 provinces à travers le pays qui subissent des atteintes à leurs droits depuis plusieurs mois. Il s’agit des familles : de 33 personnes tuées illégalement par les forces de sécurité lors des manifestations, de deux personnes exécutées arbitrairement en lien avec la contestation et d’une victime de torture qui s’est suicidée une fois libérée.

Les familles qui réclament justice, vérité et réparation voient leurs droits bafoués

Les violations infligées aux familles des victimes englobent : arrestations et détentions arbitraires, poursuites iniques pour des accusations floues et spécieuses relatives à la sécurité nationale qui, parfois, débouchent sur des peines d’emprisonnement et de flagellation, convocations et interrogatoires coercitifs par les procureurs ou les forces de sécurité, placement sous surveillance illégale, et destruction totale ou partielle des tombes de leurs proches.

En juillet 2023, la mère d’Artin Rahmani, 16 ans, abattu par les forces de sécurité le 16 novembre 2022 à Izeh, dans la province du Khuzestan, a déclaré sur Twitter : « Les autorités de la République islamique ont tué mon fils innocent, emprisonné mon frère et mes proches, et m’ont convoquée au bureau du procureur afin de me faire taire parce que j’ai commis le crime de réclamer justice pour le meurtre de mon enfant. Les citoyen·ne·s en Iran n’ont pas le droit de protester et toute volonté de liberté est étouffée avec la plus grande violence. »

Les autorités tentent aussi d’interdire aux familles d’organiser des cérémonies sur les tombes de leurs proches, y compris pour leur anniversaire. Celles qui ont malgré tout organisé des rassemblements ont signalé la forte présence des forces de sécurité ; celles-ci ont interrompu avec violence les cérémonies, pris des photos des participants et frappé ou arrêté arbitrairement les membres de la famille.

Dégradation des tombes des personnes tuées en toute illégalité

Amnistie internationale a recueilli et publié des images montrant les tombes dégradées de Mahsa/Zhina Amini et de 20 victimes originaires de 17 villes. Les tombes sont détériorées avec du goudron et de la peinture ou incendiées, des stèles sont brisées et les inscriptions rendant hommage aux « martyrs » ou rappelant qu’ils ont donné leur vie pour la liberté sont effacées. Aucune investigation n’est menée pour identifier les auteurs présumés de ces crimes et les traduire en justice, et aucune mesure n’est prise pour prévenir la destruction répétée des cimetières.

Certaines tombes ont été endommagées par les forces de sécurité devant des familles, d’autres pendant la nuit ou à des moments où les lieux étaient déserts, après que les autorités ont menacé à plusieurs reprises de détruire des pierres tombales représentant des œuvres d’art en soutien au mouvement « Femme, Vie, Liberté » ou portant des phrases poétiques au sujet de la mort non naturelle causée par la répression politique.

En avril 2023, la sœur de Milad Saeedianjoo, abattu par les forces de sécurité le 15 novembre 2022 à Izeh, dans la province du Khuzestan, a déclaré sur Instagram : « À la personne qui, le jour de l’anniversaire de mon frère, m’a attrapée par les cheveux, m’a torturée avec une matraque, a piétiné sa tombe sous mes yeux... Quel est le verdict que tu t’attribues pour tout cela ? On m’a prouvé qui était le meurtrier de mon frère. Notre famille n’a pas porté plainte devant un tribunal en Iran : quelle ironie d’aller voir le meurtrier pour porter plainte contre lui. »

La famille de Mahsa/Zhina Amini a publiquement dénoncé les dégradations répétées de sa tombe. Un projet prévoit d’apporter de grands changements au cimetière d’Aichi, à Saqqez, dans la province du Kurdistan, où elle est inhumée, afin de rendre sa tombe moins accessible au public. C’est désormais un lieu où les familles des victimes des manifestations se rassemblent pour trouver un réconfort collectif et un élan de solidarité, et manifester leur détermination à obtenir justice. 

Il faut une action internationale pour lutter contre l’impunité 

Les familles des victimes subissent des actes de représailles parce qu’elles condamnent publiquement ou portent plainte pour l’homicide illégal de leurs proches par les forces de sécurité, contestent les récits officiels sur leur décès, réclament des comptes, organisent des rassemblements pour les familles endeuillées et publient sur les réseaux sociaux des messages jugés critiques à l’égard du pouvoir en place.

« Au regard de l’impunité systématique qui règne en Iran, Amnistie internationale demande à tous les États d’exercer leur compétence universelle et de décerner des mandats d’arrêt à l’encontre des responsables iraniens, y compris au plus haut niveau de commandement, raisonnablement soupçonnés d’être pénalement responsables des crimes de droit international commis pendant et après le soulèvement », a déclaré Diana Eltahawy, directrice adjointe pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Amnistie internationale.