• 16 oct 2023
  • Canada
  • Communiqué de presse

LETTRE OUVERTE AU PREMIER MINISTRE JUSTIN TRUDEAU SUR LA SItuation en Israël et Territoires Palestiniens Occupés

14 octobre 2023

 

Le très honorable Justin Trudeau, 

Premier ministre du Canada

80, rue Wellington

Ottawa (Ontario) K1A 0A2

 

Objet : Conflit en Israël et dans les Territoires palestiniens occupés : le Canada doit exiger des deux parties le respect du droit humanitaire international et la protection des civils, ce qui inclut d’exiger d’Israël qu’il lève le blocus illégal et inhumain de la bande de Gaza.

Monsieur le Premier Ministre,

Amnistie internationale suit de près les événements en Israël et dans les territoires palestiniens occupés depuis le 7 octobre 2023, et c'est avec la plus grande inquiétude que nous vous écrivons aujourd’hui. Nous sommes alarmés par l'ampleur sans précédent des violations du droit international humanitaire et du droit international relatif aux droits humains commis par les deux parties au conflit. Il s’agit d’une véritable catastrophe humanitaire. En vertu du droit international humanitaire, toutes les parties à un conflit ont clairement l'obligation de protéger la vie des civils pris dans les hostilités.

Amnistie internationale a fermement condamné les horribles attaques menées le 7 octobre 2023 par le Hamas et d'autres groupes armés palestiniens. Les tirs aveugles de roquettes, les sommations massives, les prises d'otages et les meurtres de plus de 1 200 personnes, dont de nombreux civils et enfants, largement et justement condamnés par votre gouvernement, constituent des violations flagrantes du droit international et s'apparentent à des crimes de guerre.

Ces crimes de guerre ne peuvent en aucun cas justifier une punition collective. Depuis le 8 octobre 2023, l'armée israélienne a bombardé Gaza à un rythme sans précédent, faisant au moins 1 350 morts et plus de 6 600 blessés. Un exode massif est en cours dans le nord de la bande de Gaza. La plupart des civils de Gaza sont les descendants de plus de 750 000 Palestiniens déplacés ou contraints de fuir leurs maisons en 1948, également connue sous le nom de Nakba. L'histoire se répète et risque d'exacerber ce cycle de violence qui dure depuis une décennie.

Le 12 octobre, les forces de défense israéliennes ont ordonné aux civils du nord de Gaza et de la ville de Gaza d’« évacuer » vers le sud, un ordre irréalisable « aux conséquences humanitaires dévastatrices », comme l’ont déclaré les Nations unies, qui pourrait s'apparenter à un transfert forcé massif, interdit par le droit international. Le droit international humanitaire impose une interdiction absolue d’attaquer les civils. Les forces armées israéliennes ont l'obligation de prendre toutes les précautions possibles pour réduire au minimum les dommages causés aux civils et aux infrastructures civiles dans l'ensemble de la bande de Gaza.

Amnistie internationale a également vérifié des preuves de l’utilisation par l'armée israélienne d’obus d’artillerie au phosphore blanc dans des zones civiles densément peuplées de Gaza, dont beaucoup peuvent être considérées comme des attaques illégales et aveugles. Le phosphore blanc est une arme incendiaire au sens du protocole III de la Convention sur l'interdiction ou la limitation de l’emploi de certaines armes classiques et présente un risque élevé de brûlures atroces et de souffrances à vie lorsqu'il est utilisé dans des zones civiles.

La fermeture par Israël de la seule centrale électrique de Gaza a exacerbé une crise humanitaire déjà désespérée. L’eau, la nourriture et l’accès aux services essentiels manquent dans les hôpitaux de Gaza, qui ont déjà du mal à faire face à l’afflux de blessés. Cette situation met gravement en danger la vie des personnes hospitalisées, notamment celles se trouvant en soins intensifs, ou souffrant de maladies chroniques, ainsi que les nouveau-nés qui dépendent d’une assistance respiratoire. Ce qui s’apparente à une punition collective.

Inexplicablement, le Canada n’a toujours pas dénoncé publiquement les frappes aériennes aveugles d'Israël, le blocus total et le déplacement forcé imminent de plus d'un million de civils dans la bande de Gaza.

Amnistie internationale demande instamment à votre gouvernement de :

  • Exhorter les deux parties au conflit à respecter le droit international humanitaire et donner la priorité à la protection des vies civiles, et à mettre fin aux attaques aveugles contre les infrastructures civiles et aux meurtres de civils.
  • Exhorter publiquement et sans équivoque les autorités israéliennes à annuler immédiatement l'ordre d’« évacuation ».
  • Négocier et garantir l’accès de l’aide humanitaire - fournitures médicales, nourriture, eau potable et autres produits essentiels à la survie et à l'égalité des sexes - dans l'ensemble des Territoires palestiniens occupés, sans obstruction.
  • Utiliser tous les efforts diplomatiques à sa disposition pour s'attaquer aux causes profondes des cycles répétés de violence et mettre fin au blocus illégal d'Israël sur Gaza, qui dure depuis 16 ans, et au système d’apartheid imposé par Israël à tous les Palestiniens et Palestiniennes.

Monsieur le Premier ministre, vous avez le devoir, au nom de tous les Canadiens et Canadiennes, de respecter les engagements internationaux du Canada en matière de droits humains et à exiger d’Israël qu’il respecter ses mêmes obligations.

En cette heure critique, nous vous demandons instamment de vous placer du bon côté de l'histoire et d'utiliser sans équivoque la voix et l'influence du Canada pour protéger les plus vulnérables.

 

France-Isabelle Langlois                Ketty Nivyabandi

Directrice générale                               Secrétaire générale

Amnistie Internationale Canada      Amnesty International Canada

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Copie : L’Honorable Mélanie Joly, Ministre des Affaires étrangères