• 11 Juil 2023
  • Canada
  • Communiqué de presse

Le Canada ne répond pas aux attaques contre les droits des défenseurs de la terre Wet’suwet’en lors de l’audition publique de la Commission interaméricaine des droits de l’homme

Les commentaires fournis cette semaine par le gouvernement du Canada à la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH), en réponse aux allégations de graves violations des droits humains, démontrent « un manque de respect flagrant » des droits et de l’expérience des peuples autochtones ont déclaré la Nation Wet’suwet’en et Amnistie internationale Canada.

Lundi, des représentants de la Nation Wet'suwet'en ont virtuellement témoigné devant la Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) de la criminalisation injuste des défenseurs de la terre qui s'opposent à la construction du gazoduc Coastal GasLink (CGL) sur le territoire ancestral non cédé de la nation. Ils ont aussi dénoncé la décision du Canada et de la Colombie-Britannique de construire ce gazoduc en territoire Wet’suwet’en, sans avoir obtenu le consentement préalable, libre et éclairé de la Nation — en violation de leurs droits, selon la loi Wet’suwet’en, la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, et l’American Declaration on the Rights of Indigenous Peoples.

Même si le gouvernement avait obtenu à l’avance la soumission écrite de la Nation Wet’suwet’en à la CIDH, Hugh Adsett, l’ambassadeur canadien auprès de l’Organisation des États américains, et représentant du gouvernement à l’audience, n’a pas su répondre aux demandes de la Nation. « Mon objectif aujourd’hui est d’abord de mieux comprendre les préoccupations des requérants et d’apporter quelques éléments de contexte qui peuvent éclairer l’analyse de la Commission », a-t-il dit dans son introduction.

« Le refus du Canada d’expliquer ses actions témoigne d’un manque de respect gênant face aux droits de notre Nation et de tous les peuples autochtones, dans ce qu’on appelle le Canada », a dit le chef Na’moks, un chef héréditaire Wet’Suwet’en. « Des organisations internationales de droits humains et des groupes de la société civile ont condamné le Canada à maintes reprises pour avoir violé notre droit à défendre notre territoire, nos lois, et notre mode de vie. Il ne devrait pas être difficile pour le gouvernement de commenter ces attaques envers notre peuple, perpétrées en plein jour. »

Ketty Nivyabandi, secrétaire générale d’Amnistie internationale Canada section anglophone, a déclaré que les allégations de la Nation Wet’suwet’en exigeaient une réponse sérieuse de la part du gouvernement du Canada. « Le refus du gouvernement de répondre aux enjeux spécifiques présentés dans le témoignage de la Nation Wet’suwet’en soulève de sérieuses questions quant à l’engagement du gouvernement à respecter les droits des peuples autochtones », a-t-elle dit. « Cette absence de réponse aujourd’hui donne une fort mauvaise impression quant à ces engagements ».

Les commentaires du Canada ont aussi été source de frustration pour les membres de la CIDH. « Il est regrettable que l’État n’ait pas préparé de véritable réponse à ces allégations. Personne ne remet en question le fait que le Canada dispose d’un cadre constitutionnel démocratique », a dit le Commissaire Carlos Bernal Pulido à l’audience. « La question n’est pas là. Cette audience cherche à déterminer si ces allégations sont fondées ou non, si l’État est en mesure d’y répondre, si le comportement de la police est justifié, et aussi s’il y a eu respect ou violation des droits de la communauté autochtone, dans le cas précis de ce projet d’infrastructure. » 

Les défenseurs de la terre Wet’suwet’en et leurs alliés se battent depuis des années pour empêcher la construction du gazoduc de 670 km de CGL, qui traverse le territoire de la Nation. La Colombie-Britannique a approuvé le tracé du gazoduc sans le consentement préalable, libre et éclairé des chefs héréditaires Wet’suwet’en.

Au début de 2019, au cours d’une série de raids, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) a arrêté et détenu injustement plus de 80 personnes, dont des défenseurs de la terre, des chefs héréditaires et des matriarches Wet’suwet’en, des observateurs officiels et des membres des médias. La Nation Wet’suwet’en a rapporté qu’au cours de ces offensives, les forces de la GRC, équipées d’armes d’assaut de type militaire, d’hélicoptères et d’unités canines, ont cherché à raser et brûler des bâtiments et à désacraliser des espaces cérémoniels, aux côtés de Coastal GasLink et de ses forces de sécurité privées.

« Le Canada doit être tenu responsable des atrocités commises envers les peuples autochtones et leurs terres », a dit le chef Na’moks après l’audience de lundi. « Les mots ne peuvent pas suffire pour excuser la perte des libertés, les emprisonnements, les personnes chassées de leurs terres. Le gouvernement doit agir immédiatement pour mettre fin à la destruction de la soi-disant démocratie de ce pays. »

Plus d’une dizaine de défenseurs de la terre font toujours face à des poursuites criminelles pour avoir exercé leur droit à défendre leur territoire traditionnel non cédé. La Nation a demandé qu’on laisse tomber ces charges et qu’on fasse cesser la construction du gazoduc en territoire Wet’suwet’en, jusqu’à ce que la Nation ait donné son consentement libre, préalable et éclairé à ce projet

« La décision du Canada et de la Colombie-Britannique d’autoriser la construction du gazoduc de Coastal GasLink en territoire Wet’suwet’en, sans avoir obtenu le consentement préalable, libre et éclairé de la Nation, est une violation flagrante des engagements du Canada en matière de droits humains et de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones », affirme France-Isabelle Langlois, directrice générale d’Amnistie internationale Canada francophone. « Amnistie internationale demande à la Commission d’enquêter sur les violations causées par les actes du Canada et de la Colombie-Britannique et d’exiger que ces gouvernements respectent le droit de la Nation Wet’suwet’en au consentement préalable, libre et éclairé pour tout projet d’extraction des ressources qui affecte leur territoire. »

Dans la décision Delgamuukw de 1997, la Cour suprême du Canada reconnaissait les chefs héréditaires Wet’suwet’en comme les autorités de la Nation. Les chefs héréditaires n’ont jamais vendu, cédé ou renoncé en aucune manière à leur titre collectif sur ces territoires.

« En tant que Nations autochtones, nous avons le droit de protéger nos modes de vie de peuples de la terre », a dit le chef Na’moks. « Nous sommes ici pour protéger la pureté des eaux, lutter contre les changements climatiques, et défendre notre territoire non cédé. C’est le Canada qui utilise la violence et la destruction en soutenant des industries qui détruisent la planète. »

L’audition de lundi s’est tenue alors que le Canada est aux prises avec des vagues de chaleur sans précédent et un début d’une saison de feux de forêt parmi les plus féroces qu’on n’ait jamais vus — présage des catastrophes environnementales à venir si le Canada et les autres pays industrialisés n’agissent pas rapidement et de façon décisive pour entamer une transition énergétique sans combustibles fossiles.

« Nous allons continuer d’accompagner la Nation Wet’suwet’en dans sa quête de justice », soutient Ketty Nivyabandi. « Investir dans les combustibles fossiles constitue une grave menace aux droits, aux vies, et aux traditions des peuples autochtones. Le Canada doit écouter, et ultimement, respecter les droits des défenseurs de la terre Wet’suwet’en plutôt que de punir les peuples autochtones lorsqu’ils protègent leurs territoires et leur environnement. »