• 22 juin 2022
  • Myanmar
  • Communiqué de presse

MYANMAR. IL FAUT RENONCER IMMÉDIATEMENT À TOUTE PLANIFICATION D’EXÉCUTIONS ARBITRAIRES

Les organisations signataires sont très préoccupées par la récente déclaration des autorités militaires du Myanmar selon laquelle il a été décidé de procéder aux condamnations à mort prononcées à l’encontre de quatre personnes à l’issue de procès manifestement inéquitables. Nous appelons vivement les autorités militaires à renoncer immédiatement au projet d’exécution de ces personnes, qui constituerait une violation de l’interdiction de la privation arbitraire de la vie énoncée dans le droit international relatif aux droits humains et le droit coutumier. Nous leur demandons également d’instaurer sans délai un moratoire officiel sur les exécutions, les dernières exécutions remontant à plus de trois décennies, et de mettre fin à la répression, qui sévit dans le pays depuis février 2021, contre une grande partie de la population.

Le 3 juin, Zaw Min Tun, porte-parole de l’armée, a annoncé que les condamnations et les peines de mort prononcées à l’encontre de quatre hommes avaient été approuvées par le Conseil administratif d’État, ouvrant ainsi la voie à des exécutions dans les semaines à venir.

Phyo Zeya Thaw, ancien membre de la Ligue nationale pour la démocratie d’Aung San Suu Kyi, et Kyaw Min Yu, militant très connu pour son action en faveur de la démocratie et également connu sous le nom de Ko Jimmy, ont été déclarés coupables et condamnés à mort par un tribunal militaire en janvier 2022 pour des infractions liées à des produits explosifs, à des attentats à la bombe et au financement du terrorisme en vertu de la loi antiterroriste - des accusations qui, selon nos organisations, sont motivées par des considérations politiques. La condamnation à mort de deux autres hommes, reconnus coupables du meurtre d’une femme soupçonnée d'être une informatrice de l’armée dans le canton de Hlaing Tharyar, à Yangon, a également été confirmée.

Les procédures contre toutes ces personnes ont été secrètes et manifestement injustes, menées devant un tribunal contrôlé par l’armée. Après l’instauration de la loi martiale par le décret n °3/2021[1], les militaires ont transféré à des tribunaux militaires d’exception ou aux juridictions militaires existantes le pouvoir de juger les affaires civiles. Ces tribunaux ont été chargés des procès concernant un large éventail d’infractions, y compris celles passibles de la peine de mort, dans le cadre de procédures sommaires et sans possibilité de faire appel des décisions rendues.

Le droit à un procès équitable, dont les éléments clés sont énoncés à l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), est un droit humain fondamental et l’une des garanties universelles consacrées par la Déclaration universelle des droits de l’homme. Ce droit est devenu juridiquement contraignant pour tous les États dans le cadre du droit international coutumier[2]. En vertu du droit international et des normes connexes, les exécutions réalisées à l’issue de procès inéquitables violent l’interdiction de la privation arbitraire de la vie, ainsi que l’interdiction absolue de la torture et de toute autre peine cruelle, inhumaine ou dégradante[3].

Depuis février 2021, une recrudescence alarmante du recours à la peine de mort a été observée au Myanmar, les militaires utilisant la peine capitale comme un instrument de persécution, d’intimidation, de harcèlement et de violence de façon permanente et à grande échelle à l’encontre de la population, notamment des manifestant·e·s et des journalistes. Selon des informations de l’Association d’aide aux prisonniers politiques (Assistance Association for Political Prisoners - AAPP), au moins 114 condamnations à mort ont été prononcées depuis février 2021. Ces personnes ont été condamnées à mort par des tribunaux militaires ou, dans un cas, par un tribunal pour mineurs saisi par un tribunal militaire. Des informations indiquent qu’au moins 41 personnes ont été jugées et condamnées alors qu’elles n’étaient pas présentes ; certaines ont été condamnées alors qu’elles étaient âgées de moins de 18 ans au moment de l’infraction présumée ou qu’elles souffraient d’un grave handicap psychosocial[4], ce qui bafoue l’interdiction énoncée par le droit international relatif aux droits humains et le droit coutumier. Selon les éléments disponibles, les procédures ont été sommaires et les personnes jugées n’ont pas pu être assistées d’un·e avocat·e.

Il est très inquiétant que les autorités militaires prennent des mesures pour procéder aux premières exécutions connues au Myanmar depuis la fin des années 1980. La reprise des exécutions, les dernières remontant à plus de trois décennies, constituerait une grave régression pour le pays sur la question de la peine capitale et par rapport au bilan très préoccupant en matière de droits humains ; enfin, cela serait contraire à l’objectif déclaré d’abolition de la peine de mort énoncé à l’article 6(6) du PIDCP. Au fil des décennies, les Nations unies se sont efforcées de limiter le recours à la peine de mort et ont demandé à plusieurs reprises aux États membres des Nations unies de la supprimer de leur législation nationale. Entre autres instruments, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté depuis 2007, avec un fort soutien interrégional, huit résolutions appelant à instaurer « un moratoire sur les exécutions en vue d’abolir la peine de mort ». À ce jour, 144 pays, dont le Myanmar, sont considérés comme abolitionnistes en droit ou en pratique et le nombre de ceux qui abrogent ce châtiment de leur législation nationale ne cesse d’augmenter - le Kazakhstan et la Papouasie-Nouvelle-Guinée ayant aboli totalement la peine de mort en 2022.

Nous sommes opposés à la peine de mort en toutes circonstances et nous demandons aux autorités militaires du Myanmar de respecter leurs obligations internationales en matière de promotion et de protection des droits humains, notamment en protégeant le droit à la vie, en toutes circonstances, et en libérant immédiatement toutes les personnes détenues dans le cadre de l’exercice de leurs droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique.

La présente déclaration est signée conjointement par les organisations suivantes :

  1. Abdorrahman Boroumand Center for Human Rights in Iran
  2. ACAT France
  3. All Young Burmese League (AYBL)
  4. Answer Myanmar, Royaume-Uni
  5. Amnistie internationale
  6. Anti-Death Penalty Asia Network
  7. Article 19
  8. Assistance Association for Political Prisoners (AAPP)
  9. Association INFO BIRMANIE
  10. Association Suisse-Birmanie
  11. Australia Burma Friendship Association, Northern Territory (Territoire du Nord)
  12. Australia Myanmar Doctors, Nurses and Friends
  13. Australia Myanmar Youth Alliance (AMYA)
  14. Australian Burmese Muslim Organisation
  15. Australian Chin Community (Eastern Melbourne Inc)
  16. Australian Karen Organisation (AKO)
  17. Avocats sans frontières, France
  18. Bangladesh Institute of Human Rights (BIHR)
  19. Bamar Community Tasmania
  20. Blood Money Campaign
  21. Burma Action Ireland
  22. Burma Lawyers’ Council (BLC)
  23. Burman suomalaiset Finland
  24. Burmese Community - South Australia
  25. Burmese Community Development Collaboration (BCDC)
  26. Burmese Community Support Group (BCSG)
  27. Burmese Friendship Association
  28. Burmese Medical Association Australia (BMAA)
  29. Burmese Students in the Czech Republic
  30. Canberra Karen Association
  31. Capital Punishment Justice Project (CPJP)
  32. Central European Institute of Asian Studies
  33. Chin Community - South Australia
  34. Chin Community Tasmania
  35. Cornell Center on the Death Penalty Worldwide
  36. Doh Atu - Ensemble pour le Myanmar
  37. Educational Initiatives Myanmar
  38. Educational Initiatives Prague
  39. Eleos Justice, Monash University
  40. European Karen Network (EKN)
  41. Falam Community - South Australia
  42. Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH)
  43. FIDU - Fédération italienne des droits de l’homme
  44. Food & Help for Burma
  45. Friends of Burma (WA)
  46. German Coalition to Abolish the Death Penalty (GCADP)
  47. German Solidarity with Myanmar Democracy e.V.
  48. Human Rights Watch
  49. Industrial Training Centre (ITC) Family Sydney
  50. International Association, Myanmar Switzerland (IAMS)
  51. International CURE
  52. Iran Human Rights
  53. Joint Action Committee for Democracy in Burma (JACDB)
  54. Justice 4 Myanmar - Hope & Development
  55. Justice Project Pakistan
  56. Kachin Association Australia
  57. Kachin Peace Network
  58. Karen Community - South Australia
  59. Karen Swedish Community (KSC)
  60. Karenni Federation of Australia
  61. Karenni Society Finland
  62. Kayin Community Tasmania
  63. Kenya Human Rights Commission
  64. Ligue des droits de l’Homme (LDH)
  65. Legal Awareness Watch Pakistan
  66. Lifespark – movement against the death penalty
  67. Matu Chin Community - South Australia
  68. Mindat Chin Community NSW
  69. Mindat Community - South Australia
  70. Mizo Community - South Australia
  71. Mon Families Group
  72. Mon National Council (MNC)
  73. Muwatin Media Network
  74. Myanmar Action Group Denmark
  75. Myanmar Buddhist Community of South Australia
  76. Myanmar Community Austria
  77. Myanmar Community Coffs Harbour (MCC)
  78. Myanmar Democracy and Peace Committee (Australia)
  79. Myanmar Diaspora Group in Finland
  80. Myanmar Engineering Association of Australia (MEAA)
  81. Myanmar People Residing in Canberra
  82. Myanmar Professionals Association Australia (MPAA)
  83. Myanmar Students' Association Australia (MSAA)
  84. Netherlands-Myanmar Solidarity Platform
  85. Norden Directions, Australia
  86. NSW Karenni (Kayah) Communities
  87. Barreau de Paris
  88. Pen Myanmar Organisation
  89. Queensland Kachin Community (QKC)
  90. Queensland Myanmar Youth Collective (QMYC)
  91. Queensland Rohingya Community
  92. REPECAP -Academicsforabolition
  93. Salam for Democracy and Human Rights
  94. Shwe Youth Democratic Alliance (SYDA)
  95. Sitt Nyein Pann Foundation
  96. Human Rights Program, Southern Methodist University, (SMU)
  97. Support 4 Myanmar
  98. Sydney Friends for Myanmar Unity
  99. Sunny Center Foundation USA Inc
  100. Texans Against State Killings (TASK)
  101. The Institution of Professional Engineers Myanmar (IPEM)
  102. The Rights Practice
  103. Transparency International CR
  104. United Myanmar Community of South Australia
  105. Victorian Burmese Care Community (VBCC)
  106. Victorian Myanmar Youth (VMY)
  107. Women Activists Myanmar (WAM)
  108. World Coalition Against the Death Penalty
  109. Zo Community - South Australia
  110. Zomi Association Australia Inc.
  111. Zomi Community - South Australia
  112. Zomi Community Queensland
 

[1] Décret n °3/2021 instaurant la loi martiale, 16 mars 2021.

[2] Étude du CICR sur le Droit international humanitaire (DIH) coutumier, règle n° 100 (garanties d’équité des procès) ; Comité des droits de l’homme, Observation générale n °29, états d’urgence (article 4), Doc. ONU CCPR/C/21/Rev.1/Add.11, 31 août 2001, § 11.

[3] Comité des droits de l’homme, Observation générale n° 36, droit à la vie (article 6), 3 septembre 2019, doc. ONU CCPR/C/GC/36, § 41 ; Comité des droits de l’homme, Observation générale n °24, doc. ONU CCPR/C/21/Rev.1/Add.6, § 8 ; Voir le Rapport du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, doc. ONU A/67/275, 2012, § 11 ; Comité des Nations unies contre la torture, Observation générale n° 2, § 1 ; Rapport intérimaire du Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, doc. ONU A/67/279, 9 août 2012, § 58.

[4] The Irrawaddy, “Myanmar Regime Hands Mentally Ill Man Death Sentence”, 14 avril 2021, https://www.irrawaddy.com/news/burma/myanmar-regime-hands-mentally-ill-…