• 3 nov 2022
  • Canada
  • Communiqué de presse

Canada. Rapport : Urgence climatique en territoire innu. L’innu-aitun en péril

Montréal, le 3 novembre 2022 – En vue de la 27e Conférence des parties de l’Accord de Paris (COP27) sur le climat, Amnistie internationale Canada francophone publie aujourd’hui une étude sur les conséquences des changements climatiques sur les droits humains en collaboration avec la nation innue de Pessamit au Québec. Intitulée Urgence climatique en territoire innu. L’innu-aitun en péril, l'étude appelle les gouvernements du Québec et du Canada à agir rapidement afin de limiter les impacts néfastes de la crise climatique sur les droits humains, notamment culturels, de la nation innue de Pessamit.  

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RÉSUMÉ EXÉCUTIF

Cette étude sera publiée aux côtés de sept (7) autres études de cas, réalisées dans autant de pays, au sein d’un rapport international qui sera lancé dans le cadre de la COP27 qui se tiendra du 6 au 18 novembre 2022 à Charm el-Cheikh en Égypte.  

« Au terme d'une étude qui a duré 18 mois, nous ne pouvons que conclure que les impacts de la crise climatique sur les droits des peuples autochtones, et dans ce cas-ci de la nation innue de Pessamit, sont énormes. Parallèlement, nous ne pouvons que constater que nous avons beaucoup à apprendre de leurs savoirs ancestraux afin de faire face adéquatement et de façon résiliente aux changements climatiques. Il est plus que temps que le Québec et le Canada considèrent pleinement les Premières Nations, les Inuit et les Métis comme des interlocuteurs égaux, et que des négociations de nation à nation s’installent rapidement et honnêtement », déclare France-Isabelle Langlois, directrice générale d’Amnistie internationale Canada francophone.  

Dans son étude, Amnistie internationale Canada francophone (AICF) détaille les conséquences des changements climatiques sur les droits humains de la communauté innue vivant à Pessamit et sur le Nitassinan. Celles-ci sont en droite ligne avec ce que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a lui-même constaté, soit que les populations souffrant le plus d’inégalités dans nos sociétés sont davantage touchées par l’accroissement des impacts des changements climatiques. Parmi ces populations figurent les 476 millions d’Autochtones dans le monde, en raison de leur lien particulièrement étroit avec le territoire et l'environnement.  

Aux changements climatiques globaux s’ajoutent les impacts directs et concrets sur les droits humains des Innu·e·s de Pessamit causés par les industries forestière, hydro-électrique et de villégiature, conjugués aux politiques colonialistes en vigueur depuis plusieurs siècles. Les Pessamiulnuat peinent à maintenir leur culture, leurs pratiques et leur mode de vie traditionnel, laissant craindre, par certains membres, un effacement de la culture innue si les mesures qui s’imposent ne sont pas prises afin d’assurer la protection du territoire. 

« Les changements climatiques actuels sont le résultat du non-respect envers la planète que nous dénonçons depuis des années. » André Côté, Directeur du secteur Territoire et ressources, Conseil des Innus de Pessamit 

Les températures désormais plus douces en hiver diminuent la quantité de neige et de glace sur le territoire en plus de créer de nombreuses périodes de gels et dégels. La météo est imprévisible rendant les connaissances sur les écosystèmes et le territoire moins actuelles. Il devient plus risqué aux Pessamiulnuat de se déplacer sur leur territoire en plus de participer à l’érosion des berges. Le mode de vie de la nation innue de Pessamit s’en trouve modifié. 

La communauté de Pessamit est aussi exposée aux conséquences néfastes de l’industrie forestière, en raison de pratiques telles la coupe à blanc. Cette pratique est particulièrement dangereuse pour les écosystèmes puisqu’elle contribue à l’érosion des sols, modifie la composition des cours d’eau avoisinants, et réduit la biodiversité, y compris de certaines espèces importantes dans la culture de la communauté de Pessamit. Selon le GIEC, 23 % des émissions mondiales de GES seraient imputables à l’industrie forestière.  

« Le caribou, lui, disparaît de plus en plus à cause de la déforestation. Parce que son abri naturel c’est la forêt, contre la prédation ». Adélard Benjamin, coordonnateur de projet, Conseil des Innus de Pessamit, Secteur Territoire et ressources 

On trouve 13 centrales hydroélectriques et 16 barrages d’Hydro-Québec sur le territoire ancestral de la nation de Pessamit. Ces installations ont été construites sans réelle consultation des Pessamiulnuat et ont provoqué des répercussions énormes. Les inondations produites pour créer les bassins des barrages ont détruit une bonne partie du territoire, des terres cultivées, des forêts et ont engendré la mort de nombreux animaux. Certaines activités pratiquées par la nation ont aussi été affectées par ce type d’industrie comme la pêche et la navigation. 

« On demande le respect de tous les paliers gouvernementaux car on est ignorés. On n'est pas sur la carte du Canada » déclare Marielle Vachon, cheffe du Conseil des Innus de Pessamit. 

La Loi sur les Indiens, instaurée en 1876, dans le but d’assimiler les Autochtones et de les déposséder de leurs territoires, briment encore aujourd’hui les droits des peuples autochtones, et amplifie les impacts des changements climatiques. La perte de territoire rend la transmission de la culture et de la langue plus difficile. Les politiques coloniales (pensionnats, rafle, violences) ont causé d’innombrable dommages au fil des années, en plus d’enlever la possibilité aux communautés autochtones d’être maîtresses de leurs territoires et par le fait même d’instaurer toutes les mesures nécessaires pour limiter les effets des changements climatiques.  

Les Pessamiulnuat sont persuadés que leurs connaissances et leurs savoir-faire, bien qu’en évolution, sont des outils pour adapter leur nation aux changements climatiques. Malgré toutes les démarches que la nation de Pessamit entreprend, elle n’a pas de pouvoir décisionnel sur les activités des industries forestières, hydroélectriques, minières ainsi que celles de la villégiature sur le territoire. Lequel n’a par ailleurs jamais été cédé. La Première Nation de Pessamit souhaite, à l’avenir, une relation de nation à nation avec les paliers de gouvernement (fédéral et provincial) lui permettant de déterminer son propre développement sur son territoire. 

Amnistie internationale propose des recommandations ciblant les gouvernements du Québec et du Canada afin que ceux-ci travaillent conjointement avec les Pessamiulnuat pour limiter les effets dévastateurs des changements climatiques sur le territoire innu. La communauté de Pessamit et Amnistie internationale souhaitent entre autres une reconnaissance entière des droits culturels des Autochtones dans les plans de lutte à la crise climatique afin de préserver notamment le mode de vie des Innu·e·s de Pessamit. 

« Le consentement libre, préalable et éclairé des peuples autochtones, notamment en ce qui concerne la gestion de leur territoire ancestrale est non négociable. C’est un droit reconnu par le droit international, et tout particulièrement par la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, auquel le Canada adhère. Aucun gouvernement ni aucune industrie ne peut passer outre, sous aucun prétexte, pas même celui d’utilité publique. Des siècles d’oppression et de spoliation imposent plus que jamais que leurs points de vue comme leurs idées et leurs revendications soient prises en compte, sans tergiversation », déclare Érika Guevara Rosas, directrice régionale pour les Amériques à Amnistie internationale.