• 23 nov 2021
  • Royaume-Uni
  • Communiqué de presse

Royaume-Uni. Des engins de chantier de la marque JCB utilisés pour la démolition de logements palestiniens et la construction de colonies israéliennes illégales

Un nouveau rapport révèle que le constructeur de pelleteuses ne tient pas compte de l’utilisation de ses produits pour la démolition illégale de logements palestiniens et la construction de colonies israéliennes illégales. JCB affirme, à tort, qu’en vendant des biens à une société israélienne, l’entreprise n’est pas responsable de l’utilisation de ses pelleteuses dans des actes constitutifs de crimes de guerre.

« Pour beaucoup de Palestinien·ne·s, l’arrivée des bulldozers jaune et noir de JCB annonce qu’ils se retrouveront bientôt sans abri » - Sacha Deshmukh

Amnistie internationale appelle le géant des engins de chantier JCB à prendre des mesures pour éviter que ses pelleteuses et autres machines ne soient utilisées dans les territoires palestiniens occupés pour la démolition illégale de logements palestiniens ou la construction du vaste réseau de colonies illégales d’Israël.

Dans un nouveau rapport intitulé JCB Off Track, Amnistie internationale Royaume-Uni révèle que l’unique distributeur de JCB en Israël a conclu des contrats de maintenance de matériel de la marque avec le ministère de la Défense israélien, notamment pour le type de bulldozer connu pour servir aux démolitions récurrentes de biens immobiliers palestiniens ainsi qu’à la construction et l’extension de colonies israéliennes sur des terrains palestiniens, qui sont illégales au regard du droit international.

En complément de ce rapport de 92 pages, le Laboratoire de preuves du programme Réaction aux crises d’Amnistie internationale a établi une carte numérique interactive présentant des dizaines de cas dans lesquels des équipements JCB ont été utilisés ces dernières années pour démolir des habitations et des bâtiments agricoles appartenant à des Palestinien·ne·s, pour détruire des conduites d’eau et pour déraciner de nombreux oliviers et autres produits agricoles.

Au cours de l’occupation militaire des territoires palestiniens, qui dure depuis 54 ans, plusieurs dizaines de milliers de logements et d’autres biens palestiniens ont été démolis par les forces israéliennes et des milliers de personnes ont été déplacées. Sur les neuf premiers mois de cette année, quelque 673 édifices ont déjà été démolis, entraînant le déplacement de près de 1 000 Palestinien·ne·s. En un demi-siècle, les autorités israéliennes ont permis à presque 700 000 colons de s’installer dans des colonies souvent construites à cet effet en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. Les Nations unies ont qualifié ces colonies de « violation flagrante du droit internationale » à plusieurs reprises. Le mois dernier, Israël a, selon certaines sources, approuvé la construction de 3 100 nouveaux logements pour des colons en Cisjordanie.

Amnistie internationale a écrit à JCB pour attirer son attention sur le fait que l’absence de mesures prises pour empêcher l’utilisation de ses produits dans des violations des droits humains à grande échelle dans les territoires palestiniens occupés plaçait l’entreprise en infraction vis-à-vis des normes internationales applicables aux entreprises en matière de droits humains et pourrait être suffisamment grave pour engager sa responsabilité pénale.

JCB, société privée britannique dont le siège est à Rocester, dans le Staffordshire, dont le nom officiel est JC Bamford Excavators Limited, vend ses célèbres engins de démolition et de terrassement via un seul intermédiaire en Israël – Comasco Ltd. Comasco, entreprise privée également, vend à son tour les produits JCB à une longue liste de clients en Israël et en assure le service après-vente et la maintenance.

Le rapport d’Amnistie internationale montre que l’un des bénéficiaires du service après-vente de Comasco est le ministère de la Défense israélien. Les documents étudiés par l’organisation révèlent que les prestations de Comasco pour ce ministère portent sur les chargeuses-pelleteuses de JCB, qui sont spécifiquement utilisées pour des démolitions. Il est donc probable que Comasco achète les engins à JCB au Royaume-Uni, les vend à l’armée israélienne puis en assure le service après-vente et la maintenance sur demande, y compris lorsqu’ils ont servi à démolir des maisons ou à construire des colonies.

Il existe plusieurs modèles de ces chargeuses-pelleteuses, courantes sur les chantiers au Royaume-Uni, dont les prix varient entre 60 000 et 85 000 livres Sterling. Cependant, les ventes de JCB en Israël représenteraient une part relativement faible de l’ensemble de ses activités et l’entreprise pourrait prendre des mesures pour éviter que ses machines ne soient utilisées à mauvais escient dans les territoires palestiniens.

JCB défend ses ventes au motif que l’entreprise n’intervient pas elle-même dans les territoires occupés mais vend uniquement ses produits à la société israélienne Comasco, en affirmant qu’elle n’est pas responsable de l’utilisation qui en est faite ensuite. Toutefois, le rapport d’Amnistie internationale explique qu’il incombe clairement à JCB, au regard des normes internationales, de prendre des mesures efficaces pour empêcher que ses produits ne soient utilisés à mauvais escient.

Le rapport montre en outre que JCB possède les moyens technologiques nécessaires, grâce à son logiciel de diagnostic informatique (nommé « LiveLink »), pour savoir où ses produits sont utilisés à un moment donné et même pour les mettre hors service à distance en cas de mauvaise utilisation. L’entreprise semble jusqu’à présent réticente à employer ces moyens d’éviter l’utilisation d’engins JCB dans de graves violations des droits humains dans les territoires occupés.

L’an dernier, Amnistie internationale Royaume-Uni a adressé un courrier au ministre d’État chargé du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, James Cleverly, pour lui demander d’agir au sujet de JCB et de deux autres entreprises britanniques – Opodo et Greenkote – après leur ajout sur une liste établie par les Nations unies comptant 112 sociétés menant des activités commerciales « non négligeables » dans les colonies israéliennes.

Sacha Deshmukh, directeur général d’Amnistie internationale Royaume-Uni, a déclaré :

« Les pelleteuses de JCB ont démoli d’innombrables logements palestiniens dans les territoires occupés, tout en dégageant le terrain pour la construction de colonies israéliennes illégales.

« Pour beaucoup de Palestinien·ne·s, l’arrivée des bulldozers jaune et noir de JCB annonce qu’ils se retrouveront bientôt sans abri et que des terres palestiniennes vont encore être spoliées pour faire place à des colonies israéliennes illégales.

« JCB se trompe complètement en disant ne pas être responsable de ce que font les acheteurs indirects avec ses équipements.

« Selon les normes internationales applicables aux entreprises, il incombe clairement à JCB de prendre des mesures pour veiller à ce que ses marchandises ne soient pas utilisées pour commettre des violations des droits humains – une composante essentielle du devoir de diligence en matière de droits humains.

« JCB doit faire le bon choix en remédiant aux situations où ses engins finissent entre les mains des équipes de démolition israéliennes dans les territoires palestiniens.

« JCB doit éteindre ses moteurs et cesser d’ignorer l’utilisation de ses produits dans des crimes de guerre commis par Israël dans les territoires palestiniens occupés.

« Étant donné que le gouvernement britannique a conclu que JCB ne respectait pas les normes internationales relatives aux droits humains en n’exerçant pas la diligence requise, il doit y avoir des conséquences pour l’entreprise – par exemple l’impossibilité d’accéder aux marchés publics.

« Cette décision doit inciter les ministres à adopter un cadre légal qui impose aux entreprises de faire preuve de la diligence requise en matière de droits humains dans leurs activités partout dans le monde, y compris en ce qui concerne l’utilisation finale de leurs produits et services.

Point de contact national pour les Principes directeurs de l’OCDE

Le 11 novembre, le Point de contact national du Royaume-Uni pour les Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales a conclu que JCB était en infraction vis-à-vis de deux éléments du chapitre de ces Principes relatif aux droits humains mais ne l’était pas à l’égard de deux autres points du texte. Cet avis faisait suite à une plainte déposée contre JCB par l’ONG Lawyers for Palestinian Human Rights en 2019. Le Point de contact national du Royaume-Uni, mécanisme chargé de traiter les plaintes concernant les pratiques de multinationales britanniques au regard des Principes directeurs de l’OCDE, a averti JCB qu’il examinerait désormais l’avancement de l’entreprise dans l’élaboration d’une politique relative aux droits humains et dans l’application de son devoir de diligence en la matière.

Campagne contre les produits des colonies israéliennes

En juin 2017, pour marquer le 50e anniversaire de l’occupation israélienne de la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, et de la bande de Gaza, Amnistie internationale a lancé une campagne appelant les États du monde entier à interdire l’entrée sur leurs marchés de biens produits dans les colonies israéliennes et à empêcher les sociétés domiciliées sur leur territoire d’avoir des activités dans les colonies ou de commercialiser les biens qui en proviennent. En février 2020, JCB a été inscrite par les Nations unies sur une liste de 112 sociétés menant des activités commerciales « non négligeables » liées à la fourniture de matériel pour la construction de colonies israéliennes ou la démolition de logements et de biens palestiniens.

*Note sur le droit international

Les colonies israéliennes dans les territoires palestiniens occupés sont illégales au regard du droit international humanitaire car elles enfreignent la Quatrième Convention de Genève. De même, selon le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, « la destruction et l’appropriation de biens, non justifiées par des nécessités militaires et exécutées sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire » ainsi que « le transfert, direct ou indirect, par une puissance occupante d’une partie de sa population civile, dans le territoire qu’elle occupe » sont considérés comme des crimes de guerre.