• 24 nov 2021
  • Afghanistan
  • Communiqué de presse

Afghanistan. Il faut permettre l’accès à des fonds afin d’éviter une catastrophe humanitaire

La communauté internationale doit de toute urgence assouplir les restrictions financières actuellement appliquées à l’Afghanistan, qui bloquent l’accès aux soins de santé, à la nourriture et autres services essentiels, et doit accélérer l’acheminement d’une assistance humanitaire accrue afin d’éviter la crise qui se profile et menace la vie de dizaines de millions de personnes, a déclaré Amnistie internationale.

La suspension de l’aide étrangère, associée au gel des avoirs du gouvernement afghan et aux sanctions internationales contre les talibans, plongent un pays souffrant déjà de niveaux de pauvreté élevés dans une grave crise économique. Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA), 22,8 millions de personnes (sur une population d’environ 39 à 40 millions) se retrouvent dans une situation d’insécurité alimentaire aigüe et de famine, tandis que le Programme alimentaire mondial (PAM) estime qu’au moins un million d’enfants souffrent déjà de malnutrition aigüe. Selon l’ONU, il faudrait plus de 180 millions d’euros d’aide humanitaire par mois pour éviter la catastrophe.

« Les niveaux d’assistance humanitaire sont insuffisants pour faire face à la crise, des millions d’Afghan·e·s plongeant dans la pauvreté et risquant la famine. Depuis quelques mois, nous avons vu des pays faire des promesses et prendre l’engagement d’apporter un soutien à l’Afghanistan, mais cette aide n’a pas encore atteint ceux qui en ont le plus besoin, a déclaré Yamini Mishra, directrice régionale pour l’Asie du Sud à Amnistie internationale.

« En quelques mois seulement, la situation est déjà critique. Des employé·e·s du secteur public et privé ne perçoivent pas leurs salaires et ne peuvent pas accéder à leur argent ni s’acheter des produits de première nécessité. L’insécurité alimentaire touche l’ensemble du pays. L’Afghanistan est au bord du précipice : si un programme urgent d’aide internationale ciblée n’est pas mis en place et si le gouvernement afghan n’est pas autorisé à utiliser ses réserves pour venir en aide à la population, la voie est toute tracée vers une catastrophe humaine dans les mois à venir. »

Les talibans figurant toujours sur les listes des organisations sanctionnées au niveau international, les donateurs étrangers de l’Afghanistan ont pris des mesures afin de bloquer les fonds et de les retirer du pays à la suite de la prise de Kaboul le 15 août. Selon la Banque mondiale, avant la prise de pouvoir par les talibans, les aides représentaient 43 % du produit intérieur brut (PIB) de l’Afghanistan et environ 75 % de ses dépenses publiques.

Cette situation place le système bancaire du pays au bord de l’effondrement. De longues files d’attente se forment devant les banques et les distributeurs automatiques de billets, qui ne distribuent pas d’argent liquide. Le prix des produits grimpe en flèche, tandis que la monnaie du pays s’effondre.

En août, le gouvernement de Joe Biden a gelé les avoirs d’une valeur de 8,5 milliards d’euros de Da Afghanistan Bank, la banque centrale du pays. L’Union européenne a suivi le mouvement le 17 août, retirant 1,2 milliard d’euros d’aide d’urgence et au développement (promise entre 2021 et 2025) destinée aux secteurs de la santé, de l’agriculture et du maintien de l’ordre. Le retrait des financements de l’UE a précipité la fermeture immédiate d’au moins 2 000 centres apportant des soins à quelque 30 millions d’Afghan·e·s.

Le Fonds monétaire international (FMI) a gelé l’accès des talibans à 410 millions d’euros de fonds. D’autres institutions internationales, dont la Banque mondiale et la Banque asiatique de développement, ont aussi suspendu les paiements destinés à leurs projets en Afghanistan.

Les fonctionnaires n’ont pas été payés depuis des mois, tandis qu’environ 1,2 million de salaires d’employé·e·s du secteur privé sont en attente de paiement selon les médias locaux, le gouvernement et les employeurs n’ayant pas accès aux fonds pour effectuer les versements. Selon le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), le taux de pauvreté en Afghanistan, actuellement à 72 %, devrait atteindre 97 % d’ici mi-2022.

L’insécurité alimentaire menaçait le pays avant même la prise de pouvoir par les talibans, l’Afghanistan ayant été frappé par quatre années de sécheresse extrême, de récession économique et de déplacements internes forcés. Plus de quatre millions de personnes sont déplacées à l’intérieur de l’Afghanistan – plus de 570 000 depuis le mois de janvier – et vivent dans des conditions désespérées.

La communauté internationale a fait une flopée de promesses d’aide humanitaire, mais les équipements et les montants promis ne suffiront pas à couvrir l’ampleur de la crise qui frappe l’Afghanistan. En outre, l’accès à de nombreuses régions du pays étant quasi impossible l’hiver, il est indispensable que toute aide soit minutieusement planifiée et acheminée à temps.

« L’aide humanitaire et l’utilisation des fonds publics pour les services essentiels ne doit pas être politisée. Les pays donateurs doivent sans délai élaborer un plan d’action global pour la distribution de l’aide financière et humanitaire, en consultation avec les ONG et les agences humanitaires sur le terrain. Cela suppose une surveillance indépendante et un suivi public et périodique renforcé, afin de s’assurer que l’aide parvienne bien à ceux qui en ont le plus besoin. Parallèlement, les talibans doivent coopérer en permettant aux agences de l’ONU et aux organisations humanitaires de se rendre librement dans les zones concernées pour faire leur travail, a déclaré Yamini Mishra.

« La priorité numéro un de la communauté internationale doit consister à prévenir la mortalité et les souffrances de la population en Afghanistan et à protéger les droits fondamentaux. Les gouvernements et les organisations internationales doivent revoir les politiques actuelles, notamment les mesures de gels de l’aide, des avoirs et des transactions financières, en faveur d’une solution qui permette l’utilisation des fonds de la banque centrale pour couvrir les besoins de première nécessité, et notamment le paiement des salaires, en vue de prévenir une catastrophe humanitaire et des droits humains. Cela suppose sans doute de lever les sanctions imposées aux talibans et d’assouplir les conditions quant à l’utilisation des fonds. »

Complément d’information

Lors de la Conférence de l’ONU à Genève en septembre, la communauté internationale a promis 1 milliard d’euros d’aide humanitaire et de développement. Lors du Sommet du G20 en octobre, l’UE a promis 1 milliard d’euros afin d’éviter une crise humanitaire en Afghanistan.