• Iran

RISQUE D’APPLICATION IMMINENTE D’UNE PEINE D’AMPUTATION POUR TROIS HOMMES

CONTEXTE

Trois hommes – Hadi Rostami, Mehdi Shahivand et Mehdi Sharfian – risquent de subir de façon imminente une amputation des doigts. Le 14 avril 2025, des responsables les ont informés qu'une guillotine avait été commandée à la prison centrale d'Ourmia, dans la province de l’Azerbaïdjan occidental, afin d’appliquer dans les jours à venir les peines d’amputation auxquelles ils ont été condamnés. Ces hommes, qui ont été condamnés en 2019 à l'issue d'un procès inique marqué par des « aveux » entachés de torture, ont fait l'objet de menaces répétées d’amputation, qui représente une forme de torture et un crime au regard du droit international. Les précédents projets d'amputation de leurs doigts ont été suspendus en raison de la pression internationale.

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Hadi Rostami, Mehdi Sharfian et Mehdi Shahivand ont été accusés d’être entrés par effraction aux domiciles de quatre personnes et d’avoir volé de l’or et des espèces enfermés dans des coffres-forts. Le 19 novembre 2019, à l’issue d’un procès manifestement inique devant le premier tribunal pénal de la province de l’Azerbaïdjan occidental, ils ont été condamnés à une peine d’amputation des doigts. Leur procès s’est fondé sur des « aveux » qui, selon ces hommes, ont été obtenus sous la torture alors qu’ils étaient détenus et soumis à des interrogatoires, sans bénéficier des services d’un avocat, dans un centre de détention géré par le Service des enquêtes de la police iranienne (Agahi). Selon une source bien renseignée, des agents de ce service ont forcé Mehdi Sharfian et Mehdi Shahivand à « avouer » des cambriolages dont ils n’étaient pas les auteurs et à impliquer Hadi Rostami dans ces mêmes cambriolages. Dans une lettre adressée au responsable du pouvoir judiciaire en septembre 2020, qu’Amnistie Internationale a pu examiner, Hadi Rostami a indiqué que les agents chargés de l’interroger lui avaient asséné des coups de poing et de pied et l’avaient frappé avec divers instruments. Il a ajouté que l’un d’eux avait exigé qu’il signe une feuille de papier blanche et qu’il avait fini par obtempérer, à bout de forces sur le plan physique et mental. Selon lui, les autorités de poursuite ont ensuite détaillé sur cette feuille blanche, sans qu’il en ait connaissance et qu’il y ait consenti, la nature des faits qui lui étaient reprochés, pour faire croire qu’il les avait reconnus. Les trois hommes se sont rétractés devant le tribunal et ont informé les juges que leurs « aveux » leur avaient été extorqués sous la torture. Toutefois, le tribunal pénal comme la Cour suprême ont manqué à leur obligation de ne pas retenir ces « aveux » à titre de preuves et d’ordonner des investigations sur leurs allégations de torture. La décision rendue par la Cour suprême, qu’Amnistie Internationale a examinée, évoquait brièvement et en termes vagues le fait que Hadi Rostami s’était plaint de torture, mais elle ne développait pas le sujet. Hadi Rostami a déposé de nombreuses plaintes officielles auprès d’organes judiciaires, mais elles sont restées lettre morte. En mars 2021, il s’est plaint auprès d’un représentant du responsable du pouvoir judiciaire en visite dans sa prison, qui lui a assuré faussement qu’il serait remédié à sa situation. Hadi Rostami a également évoqué son cas directement auprès de l’actuel responsable du pouvoir judiciaire, Gholamhossein Mohseni Ejei, quand celui-ci s’est rendu à la prison d’Ilam (province d’Ilam), où Hadi Rostami était alors détenu, mais cette démarche est elle aussi restée sans suite. Les autorités iraniennes ont déjà envisagé à plusieurs reprises d’appliquer les peines d’amputation des trois hommes entre 2020 et 2022, mais elles y ont renoncé à la suite de pressions internationales. 

Le 13 mars 2025, les trois hommes ont été convoqués au Bureau d’application des peines de la prison, où on leur a remis une lettre du parquet d’Ourmia indiquant que leurs peines pourraient être appliquées à partir du 11 avril 2025. À la suite de cela, en mars 2025, Hadi Rostami a écrit une lettre depuis sa prison pour demander de l’aide à la communauté internationale : « Je [...] suis emprisonné à la prison centrale d’Ourmia depuis 2017 pour “vol” et j’ai été condamné à l’amputation de quatre doigts de ma main droite, en dépit de mon innocence [...]. Lors d’un séjour dans un centre de détention géré par le Service des enquêtes de la police iranienne (Agahi), j’ai été forcé à signer des feuilles blanches au moyen de violentes tortures. J’ai continué, même à ce moment-là, de clamer mon innocence, mais ils n’ont pas tenu compte de mes affirmations... » 

Au moins deux autres hommes – Kasra Karami et Morteza Esmaeilian – détenus à la prison centrale d’Ourmia ont également été condamnés à une amputation des doigts. Le 29 octobre 2024, les autorités de cette prison ont appliqué les peines d’amputation prononcées contre deux frères kurdes, Mehrdad Teimouri et Shahab Teimouri. Après leur avoir amputé les doigts, elles les ont transférés dans un hôpital extérieur à la prison pour qu’ils y soient soignés, mais elles les ont ramenés en prison au bout de quelques heures alors qu’ils avaient besoin de soins continus. Elles les ont ensuite placés pendant plusieurs jours à l’isolement en les privant d’accès aux soins médicaux. 

Les victimes d’amputations judiciaires sont très majoritairement issues de milieux pauvres et vulnérables. En les mutilant de manière délibérée, les autorités iraniennes réduisent leurs possibilités de trouver un emploi et de subvenir à leurs besoins, dans une société où les personnes souffrant de handicaps physiques subissent une discrimination généralisée. 

Malgré les obligations qui incombent aux autorités iraniennes au titre de droit international, le Code pénal islamique iranien prévoit toujours l’imposition à titre de sanction pénale de châtiments corporels constituant des actes de torture, notamment l’amputation, la flagellation, l’aveuglement, le crucifiement et la lapidation. Selon le Centre Abdorrahman Boroumand pour les droits humains en Iran, les tribunaux iraniens ont prononcé au moins 384 peines d’amputation depuis 1979. L’organisation a également recensé l’application de 223 peines d’amputation depuis 1979. Les chiffres réels sont sans doute bien plus élevés, car les autorités ne publient pas de données officielles sur les peines d’amputation prononcées et appliquées. La législation iranienne prévoit qu’un médecin doit être présent lors de l’application des châtiments corporels, ce qui viole directement les lignes directrices en matière d’éthique et les normes internationales qui interdisent expressément la participation du personnel médical à des actes de torture. 

LETTRE À ENVOYER

 

Monsieur le Responsable du pouvoir judiciaire, 

Je vous écris pour vous faire part de ma vive inquiétude concernant Hadi Rostami (38 ans), Mehdi Sharfian (42 ans) et Mehdi Shahivand (29 ans), qui sont détenus à la prison centrale d’Ourmia, dans la province de l’Azerbaïdjan occidental, et qui risquent de voir leurs peines d’amputation des doigts appliquées de façon imminente. Le 14 avril 2025, le procureur adjoint d’Ourmia, en présence du chef du Bureau d'application des peines et du directeur de la prison centrale d’Ourmia, les a informés que les autorités judiciaires avaient commandé une guillotine pour la prison afin d'appliquer leurs peines d'amputation dans les jours à venir. En mars 2025, Hadi Rostami a écrit une lettre depuis sa prison pour demander de l’aide : « [Les autorités] veulent me couper la main pour un crime que je n'ai pas commis. J'appelle les organisations de défense des droits humains, les Nations unies et la communauté internationale à prendre des mesures urgentes pour empêcher l'application de cette peine inhumaine. »  

Hadi Rostami, Mehdi Sharfian et Mehdi Shahivand ont été arrêtés en 2017 et déclarés coupables de vol en 2019 après un procès manifestement inique. Ils ont été privés du droit de bénéficier des services d’un·e avocat·e pendant la phase d’instruction de leur dossier et les tribunaux se sont fondés sur des « aveux » forcés pour les déclarer coupables. Tous trois disent que leurs « aveux » leur ont été arrachés sous la torture et qu’ils les ont rétractés pendant leur procès. Selon des sources bien informées, ils ont été roués de coups, notamment à coups de pied et de câble, et suspendus par les poignets et les pieds pendant les interrogatoires. Hadi Rostami a eu la main cassée, et les agents chargés de l’interrogatoire de Mehdi Shahivand lui ont ôté son pantalon et ont menacé de le violer au moyen d’un morceau de bois s’il refusait de faire des « aveux » l’incriminant lui-même et incriminant ses coaccusés. Les autorités ont rejeté leurs allégations de torture et n’ont pas ordonné d’enquête sur celles-ci. Selon la décision rendue par le tribunal, qu’Amnistie Internationale a pu consulter, ils sont condamnés à « subir une ablation totale de quatre doigts de la main droite, ne laissant subsister que la paume de la main et le pouce ». Depuis leur condamnation, ils ont observé de multiples grèves de la faim pour protester contre leurs conditions de détention inhumaines et les menaces répétées d’application de leur peine d’amputation. Hadi Rostami a fait plusieurs tentatives de suicide, notamment en avalant du verre brisé, qui lui ont laissé de graves séquelles pour lesquelles les autorités lui ont refusé des soins médicaux adéquats. En février 2021, il s’est vu infliger 60 coups de fouet en prison après avoir été déclaré coupable de « trouble à l’ordre au sein de la prison » en représailles à ses grèves de la faim. 

La torture est un crime au regard du droit international. En vertu du droit international, les autorités iraniennes sont tenues d’interdire et de sanctionner la torture en toutes circonstances et sans exception. Les personnes qui ordonnent ou commettent des actes de torture doivent faire l’objet de poursuites pénales aux termes du droit international. » 

Je vous appelle à stopper immédiatement tout projet d’application des peines d’amputation prononcées contre Hadi Rostami, Mehdi Sharfian et Mehdi Shahivand, à annuler leur déclaration de culpabilité et leur condamnation à une peine d’amputation et à leur accorder un nouveau procès, équitable cette fois et excluant le recours à des châtiments corporels. Je vous prie instamment de les protéger contre toute autre forme de torture, de leur permettre d’accéder aux soins médicaux dont ils ont besoin et d’enquêter sur leurs allégations de torture afin que toute personne soupçonnée d’en être responsable soit traduite en justice dans le cadre d’un procès équitable. De façon plus générale, je vous appelle à abolir toutes les formes de châtiment corporel en droit et en pratique. 

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Responsable du pouvoir judiciaire, l’expression de ma haute considération. 

APPELS À  

Responsable du pouvoir judiciaire, Gholamhossein Mohseni Ejei 
C/o Ambassade d’Iran auprès des Nations unies à Genève, chemin du Petit-Saconnex 28, 1209 Genève, Suisse 

COPIES À  

Mélanie Joly
Ministre des Affaires étrangères
111, rue Wellington
Ottawa (Ontario) K1A 0A6
Aucun timbre requis
Courriel:  melanie.joly@parl.gc.ca

Ambassade de la République islamique d'Iran
245, rue Metcalfe
Ottawa, ON K2P 2K2
Canada