• Iran

LES DÉTENU·E·S À TÉHÉRAN EN DANGER À LA SUITE DE FRAPPES ISRAÉLIENNES

CONTEXTE

Plusieurs centaines de personnes incarcérées dans la prison d'Evin à Téhéran, y compris des personnes détenues arbitrairement, sont soumises à des conditions cruelles et inhumaines. Elles ont été déplacées dans des prisons surpeuplées à la suite des frappes aériennes israéliennes qui ont détruit des secteurs de la prison d'Evin le 23 juin. Les autorités iraniennes refusent de révéler le lieu où se trouvent des dizaines d’autres détenu·e·s, et ce qu’ils sont devenus, ce qui équivaut à une disparition forcée, qui est un crime de droit international. Ces détenu·e·s risquent de subir des actes de torture ou d’autres formes de mauvais traitements. 

 

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La prison de Shahr-e Rey à Varamin, dans la province de Téhéran, se caractérise depuis longtemps par des conditions de détention cruelles et inhumaines. Il s’agit d’une ferme d’élevage de poulets désaffectée où des femmes sont détenues dans des conditions de surpopulation et d’insalubrité extrêmes, sans accès à l’eau potable, à une nourriture décente, à des médicaments et à l’air frais. Pendant des années, Amnesty International a recueilli des témoignages de prisonnières faisant état de sols tachés par l’urine, de douches et de salles de bain répugnantes, d’une grave pénurie de lits et de la prévalence de maladies contagieuses, ainsi que d’une nourriture de mauvaise qualité contenant des cailloux et d’une eau salée et non potable. Le 25 juin 2025, le compte Instagram de Sayeh Seydal, une prisonnière qui a été transférée depuis la prison d'Evin dans la prison de Shahr-e Rey, a publié un enregistrement audio dans lequel elle s’exprime depuis l’intérieur de la prison après son transfert. Dans cet enregistrement, elle déclare : « [L]es bombes américaines et israéliennes ne nous avaient pas tuées, [mais ensuite les autorités iraniennes] nous ont amenés dans un endroit pour pratiquement nous tuer. Un endroit où aucun être humain ne devrait vivre. Ce [sera] une mort progressive [pour nous]. On nous a toutes laissées en quarantaine [...] L’odeur de la saleté est omniprésente [...] C’est comme si [les autorités iraniennes] voulaient se venger d’Israël et des États-Unis sur nous, les prisonniers politiques. » Lors d’une interview accordée aux médias le 30 juin, Elhan Taifi, la fille de Fariba Kamalabadi, membre de la minorité religieuse baha’ie persécutée, a indiqué que les prisonnières n’avaient pas pu contacter leurs familles pendant les deux jours qui ont suivi leur transfert depuis la prison d'Evin. Elle a déclaré qu’en raison de la surpopulation, les responsables de la prison ont informé les femmes qu’elles seraient détenues pour une durée indéterminée dans la section de quarantaine, une zone généralement utilisée pendant seulement un ou deux jours avant le transfert des détenus dans d’autres quartiers. Elle a également fait état de graves problèmes sanitaires, notamment du débordement des eaux usées dans une pièce, en soulignant que les pièces étaient petites et pas hygiéniques. Ces conditions inhumaines dans la prison de Shahr-e Rey ont aggravé la détresse des personnes qui avaient été détenues dans la prison d’Evin. Faisant référence à la pression insupportable qui pèse sur les détenues, Elhan Taifi a cité sa mère, qui a déclaré : « J’aurais préféré qu’on soit tuées dans la frappe de missiles, plutôt que de vivre dans cette situation. »

Dans la prison centrale du Grand Téhéran, les conditions de détention sont depuis longtemps cruelles et inhumaines. Depuis des années, les détenu·e·s font état d’une grave surpopulation et d’une privation de soins médicaux. Une vidéo choquante présentant des images de l’intérieur de la prison centrale du Grand Téhéran, publiée par le service en langue persane de la BBC le 1er juillet 2025, montre d’anciens prisonniers de la prison d’Evin dormant à même le sol dans un espace exigu. Signe du désespoir des familles qui cherchent à obtenir des informations sur leurs proches, des familles qui n’ont toujours pas pu contacter leurs proches emprisonnés ont fait savoir sur les médias sociaux qu’elles ne les trouvaient pas dans les images qui ont été diffusées. La prison ne sépare pas les prisonniers condamnés pour des infractions non violentes et ceux condamnés pour des infractions violentes, en violation du droit international qui exige que les différentes catégories de prisonniers soient détenues dans des établissements distincts ou des secteurs distincts d’un établissement. Le 30 juin 2025, une lettre émouvante du défenseur des droits humains Reza Khandan, anciennement détenu dans la prison d’Evin et actuellement détenu dans la prison centrale du Grand Téhéran, a été publiée en ligne. Dans cette lettre, il décrit le transfert violent des prisonniers et les conditions désastreuses dans leur nouvelle prison : « ... aucun des prisonniers blessés [...] n’a été emmené à l’hôpital. Au lieu d’apporter l’apaisement et la sécurité, ils [les gardes armés] nous ont enchaînés deux par deux [...] Ils étaient incapables de répondre aux besoins les plus élémentaires des prisonniers, mais en quelques heures seulement, ils avaient rassemblé des milliers de menottes, d’entraves pour les pieds et d’outils de répression [...] Les prisonniers qui venaient de secourir des blessés quelques heures plus tôt étaient maintenant pris pour cible par les forces de sécurité, les armes à feu pointées sur leurs têtes. Nous [n’avons pas dormi] pendant plus de 24 heures, et pendant neuf heures, nous n’avons même pas eu d’eau potable. Plusieurs jours se sont écoulés depuis notre arrivée. Encore sous le coup du traumatisme du bombardement et de notre horrible transfert, nous avons été confrontés aux conditions difficiles et chaotiques de cette nouvelle prison. La surpopulation, la désorganisation, le manque d’hygiène, les insectes qui pullulent dans les pièces bondées ont rendu impossible tout moment de paix... »

Avant les frappes aériennes israéliennes, les détenu·e·s et leurs familles s’étaient dits préoccupés par le manque de protection des détenu·e·s pendant le conflit et avaient demandé leur libération. Dans une lettre ouverte en date du 18 juin 2025, huit personnes détenues arbitrairement dans la prison d'Evin ont exhorté le responsable du pouvoir judiciaire à protéger la vie des détenu·e·s, notamment en appliquant une résolution du Conseil judiciaire suprême autorisant la libération conditionnelle des détenu·e·s en cas d’urgence en temps de guerre. Elles ont également cité le règlement des prisons iraniennes, qui prévoit que lorsque la population carcérale « excède un niveau inacceptable » (plus du double de la capacité) ou en période de « crise telle qu’une catastrophe naturelle, un incident imprévisible ou une épidémie de maladie infectieuse dangereuse », des mesures appropriées doivent être prises jusqu’à ce que la situation d’urgence soit résolue.Le 17 juin 2025, le Deutsche Welle Persian, un média basé hors d’Iran, a rapporté que le journaliste Abdolreza (Reza) Valizadeh, détenu arbitrairement dans la section 8 de la prison d'Evin, a fait part de préoccupations similaires dans un message adressé à ce média. Son message indiquait qu’une frappe aérienne sur la section 8 mettrait des vies en danger, car elle ne disposait pas d’un escalier de secours ni d’extincteurs. Des sources bien informées ont indiqué à Amnesty International que la section 8 a été endommagée lors des frappes aériennes. Les autorités iraniennes ont annoncé que les frappes aériennes israéliennes sur la prison d'Evin ont tué au moins 79 personnes, dont des détenu·e·s, des proches de détenu·e·s et des membres du personnel administratif. Un enfant de cinq ans a également été tué avec sa mère qui travaillait dans la prison.

LETTRE À ENVOYER


 

Monsieur le Responsable du pouvoir judiciaire,

 

Des centaines de personnes incarcérées dans la prison d'Evin à Téhéran ont été transférées dans d’autres prisons où les conditions sont cruelles et inhumaines, dans la province de Téhéran, après que les frappes aériennes délibérées de l’armée israélienne ont détruit de larges sections de la prison d'Evin, le 23 juin. Les attaques directes contre des biens de caractère civil, tels que les prisons, constituent de graves violations du droit international humanitaire. Au moment des frappes aériennes, la prison d'Evin abritait plusieurs centaines de détenu·e·s, dont deux mères avec des enfants en bas âge. Les autorités ont libéré une mère et son enfant, mais ont transféré la deuxième mère et son enfant avec les quelque 70 autres détenues dans la prison de Shahr-e Ray (également connue sous le nom de prison de Gharchark). Les prisonnières ont été placées dans deux petites pièces et un couloir, avec seulement deux toilettes et deux douches. Environ 180 hommes ont été transférés dans la prison centrale du Grand Téhéran (également connue sous le nom de prison de Fashafouyeh), où ils se sont retrouvés entassés dans quatre pièces d’une capacité maximale de 80 places. Selon des sources bien informées, de nombreux prisonniers n’ont pas été autorisés à rassembler leurs affaires et ont été transférés menottés et entravés tout en étant battus. Les conditions de vie dans ces prisons sont désastreuses : surpopulation sévère, aggravée par l’afflux de nouveaux prisonniers et prisonnières ; installations sanitaires sales et insuffisantes ; mauvaise ventilation ; infestations d’insectes ; manque de nourriture et d’eau potable ; et grave pénurie de lits obligeant les détenu·e·s à dormir à même le sol. Les détenu·e·s, y compris les plus âgés souffrant de problèmes de santé, se voient refuser des soins médicaux adéquats.

 

Les autorités refusent également de révéler le sort de dizaines d’autres personnes qui étaient détenues dans les sections 2A, 209, 240 et 241 de la prison d'Evin au moment des frappes aériennes, ce qui pourrait constituer une disparition forcée, qui est un crime au regard du droit international. Ces sections étaient utilisées pour détenir les personnes accusées ou déclarées coupables d’infractions liées à la « sécurité nationale ». Les familles craignent que ces détenu·e·s n’aient été tués ou blessés par les frappes aériennes israéliennes ou qu’ils ne soient exposés à un risque accru de torture et d’autres mauvais traitements. Des centaines de prisonniers et prisonnières affectés par les événements survenus depuis le 23 juin étaient détenus arbitrairement. Il s’agit de défenseur·e·s des droits humains, de manifestant·e·s, de dissident·e·s, de membres de la minorité baha’ie persécutée, d’autres personnes détenues uniquement pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression, d’association et de réunion et/ou à la liberté de religion, et aussi de personnes ayant la double nationalité et de ressortissants étrangers, ainsi que de personnes détenues pour dette. 

 

Je vous demande instamment de libérer immédiatement toutes les personnes détenues arbitrairement et d’envisager la libération des autres prisonniers et prisonnières, en particulier ceux qui sont en détention provisoire et ceux qui peuvent prétendre à une libération conditionnelle. Je vous exhorte également à révéler immédiatement le sort et le lieu de détention de tous les détenu·e·s qui se trouvaient dans les sections 2A, 209, 240 et 241 de la prison d'Evin au moment des frappes aériennes israéliennes du 23 juin. Je vous demande en outre de permettre à tous les prisonniers et prisonnières d’avoir accès à leurs familles et leurs avocat·e·s, de les protéger contre la torture et les autres mauvais traitements et de prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger le droit à la vie et à la santé de tous les prisonniers et prisonnières, en veillant aussi à ce que les différentes catégories de prisonniers et prisonnières soient détenues séparément, à ce qu’ils reçoivent tous des soins médicaux adéquats et à ce qu’ils soient traités humainement, conformément aux normes internationales. Enfin, je vous demande instamment d’autoriser des observateurs et observatrices internationaux à effectuer des visites d’inspection dans les prisons.

 

Veuillez agréer, Monsieur le Responsable du pouvoir judiciaire, l’expression de ma haute considération.

APPELS À  

Responsable du pouvoir judiciaire, 

Gholamhossein Mohseni Ejei, 

C/o Ambassade d’Iran auprès des Nations unies à Genève, 

Chemin du Petit-Saconnex 28, 1209 Genève, Suisse

 

COPIES À  

Anita Anand
Ministre des Affaires étrangères
229, rue Wellington
Ottawa (Ontario) K1A 0A6
Aucun timbre requis
Courriel:  Anita.Anand@parl.gc.ca