• Thaïlande

UN AVOCAT DES DROITS HUMAINS EMPRISONNÉ POUR AVOIR PARTICIPÉ À DES MANIFESTATIONS PACIFIQUES

CONTEXTE

Défenseur des droits humains et militant prodémocratie, Anon Nampa a été condamné à deux peines de prison pour avoir exercé pacifiquement ses droits et fait l’objet de multiples accusations susceptibles de lui valoir des dizaines d’années de prison. Il est actuellement détenu au centre de détention provisoire de Bangkok et les autorités le privent de son droit à la libération sous caution.

Anon Nampa prône la protection sociale, la démocratie, la justice, l’état de droit, les droits humains et la réforme politique depuis de nombreuses années. Depuis 2006, il s’est engagé dans une contestation pacifique, notamment lors de périodes de transition politique et de restrictions imposées aux droits humains dans le pays.

Face à la menace d’incarcération et de restrictions considérables de l’exercice pacifique des droits de réunion publique et d’expression en Thaïlande, notamment après le coup d’État militaire en 2014, Anon Nampa a exercé et défendu de manière créative son droit de participer à des manifestations pacifiques, de partager des opinions et de proposer des réformes politiques et sociales. En tant qu’avocat et militant, il œuvre également avec d’autres membres de la société civile à surveiller et résister pacifiquement à la répression des autorités. Anon Nampa offre une assistance juridique gratuite aux personnes faisant l’objet de poursuites pénales.

Les autorités thaïlandaises ont réagi à son engagement et à celui d’autres militant·e·s à coups de procédures pénales, d’amendes, de détention provisoire prolongée et de conditions de libération sous caution restrictives. En réponse aux manifestations publiques de masse organisées par des jeunes en faveur des droits humains et de réformes démocratiques, elles ont intensifié la répression contre la dissidence pacifique. Elles ont eu recours à toute une série de mesures pour sanctionner et empêcher les manifestations organisées par Anon Nampa et des leaders de la contestation, notamment le mouvement étudiant Ratsadon (le Peuple), des étudiant·e·s, des jeunes et des mineur·e·s qui exerçaient pacifiquement leurs droits. Ils ont été arrêtés et ont fait l’objet de poursuites pénales, en particulier lorsque les actions de protestation se sont muées en appels à la réforme concernant la monarchie. Anon Nampa fut le premier à discuter publiquement de la monarchie lors des manifestations de jeunes pour la réforme et le premier sur 280 à être inculpé en vertu de l’article 112 du Code pénal régissant le crime de lèse-majesté dans le contexte des manifestations de jeunes. Parmi les leaders de la contestation, il se place au deuxième rang en termes de nombre de chefs d’accusation. Pendant le régime du gouvernement militaire thaïlandais, entre 2014 et 2019, il a fait l’objet de 11 procédures pénales en raison de ses activités pacifiques.

Anon Nampa et d’autres militant·e·s sont poursuivis pour avoir participé à des manifestations ou posté des messages à ce sujet, en vertu de lois qui prévoient des restrictions excessives à l’exercice pacifique des droits humains ou accordent une latitude excessive s’agissant d’interpréter l’exercice pacifique des droits comme des infractions. Les experts des droits humains de l’ONU ont dit leur inquiétude vis-à-vis de ces lois. Ils ont, tout comme les gouvernements lors de l’Examen périodique universel, préconisé de les modifier ou de les abroger. Elles englobent les restrictions imposées au titre du Décret d’urgence sur les rassemblements publics pour contrôler la propagation du COVID-19, qui prévoit une peine de deux ans de prison et/ou une amende ; les articles du Code pénal thaïlandais sur la sécurité, notamment l’article 16 régissant la sédition, qui prévoit jusqu’à sept ans d’emprisonnement pour toute personne tentant « de répandre l’agitation et le mécontentement au sein de la population d’une manière susceptible de provoquer des troubles dans le pays, ou d’inciter la population à transgresser les lois nationales » ; l’article 112 du Code pénal thaïlandais relatif au crime de lèse-majesté, qui prévoit entre trois et 15 ans d’emprisonnement, la Loi relative aux rassemblements publics et la Loi relative aux infractions dans le domaine de l’informatique.

Les autorités maintiennent arbitrairement en détention provisoire Anon Nampa et d’autres militant·e·s et leaders pendant des périodes prolongées, leur refusant la libération sous caution, y compris pour des raisons que le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire avait jugées insuffisantes pour justifier un tel refus. Anon Nampa a été détenu pendant près d’un an entre 2020 et 2022. Les conditions de libération sous caution imposées restreignent fortement l’exercice pacifique des droits. Lorsqu’Anon Nampa s’est exprimé en réaction à la formation d’un nouveau gouvernement après les élections de 2023 lors de petites manifestations en Thaïlande au mois de juillet, la police a demandé l’annulation de sa liberté sous caution pour violation de ses conditions, affirmant que sa participation aux manifestations les bafouait.

En 2021, Anon Nampa a reçu le Prix Gwangju 2021 pour les droits humains. Anon Nampa est cofondateur de l’ONG Thai Lawyers for Human Rights (Avocats thaïlandais pour les droits humains), qui défend les militant·e·s accusés en lien avec la contestation pacifique et la liberté d’expression et rend compte des violations des droits dans le sillage du coup d’État de 2014. La Fondation Clooney pour la Justice a reconnu leur travail en leur décernant le prix pour les défenseurs de la démocratie en septembre 2023.

Par ailleurs, Anon Nampa a intenté deux actions en justice contre le gouvernement thaïlandais et NSO Group Technologies en lien avec l’infection de ses appareils électroniques par le logiciel espion Pegasus.

Anon Nampa est également poète, écrivain de chansons, musicien, et a deux jeunes enfants, le dernier âgé de 10 mois.

LETTRE À ENVOYER

Monsieur le Premier ministre,

Je suis vivement préoccupé·e par le fait que le gouvernement thaïlandais s’en prend au défenseur des droits humains Anon Nampa, 39 ans, qui fait l’objet de plus d’une dizaine de procédures pénales et est maintenu en détention arbitraire au centre de détention provisoire de Bangkok pour avoir exercé son droit à la liberté d’expression et de réunion pacifique lors de manifestations publiques. Le 26 septembre 2023, il a été condamné à une peine de quatre ans de prison et à une amende de 20 000 bahts (environ 500 euros) et à une deuxième peine de deux mois de prison et à une autre amende le 2 octobre, pour avoir participé à des rassemblements pacifiques en octobre et novembre 2020 et y avoir pris la parole.

Je suis très préoccupé·e par le fait que depuis 2020, le gouvernement thaïlandais a engagé des poursuites pénales injustifiées contre Anon Nampa et au moins 1 927 personnes, dont 286 mineur·e·s, dans le cadre d’une vaste campagne de répression contre l’exercice de leurs droits. Anon Nampa compte parmi 280 personnes, dont des enfants, que votre gouvernement a commencé à poursuivre en justice au titre de l’article 112 du Code pénal, qui régit le crime de lèse-majesté et prévoit jusqu’à 15 ans d’emprisonnement. En tant qu’avocat spécialiste des droits humains, Anon Nampa a défendu de nombreuses personnes, dont des enfants, en butte à des accusations sans fondement liées aux manifestations pacifiques. Les mesures prises par le gouvernement thaïlandais pour étouffer l’exercice pacifique de leurs droits vont à l’encontre de votre engagement concernant la progression des droits humains en Thaïlande et dans le monde.

En outre, je suis préoccupé·e par le fait que la Cour d’appel a refusé à Anon Nampa le droit d’être libéré sous caution de manière provisoire et par le fait qu’il a déjà été détenu de manière arbitraire sans possibilité de remise en liberté sous caution pendant près d’un an entre 2020 et 2022.

Compte tenu de ses engagements internationaux en matière de droits humains, l’État thaïlandais est tenu de respecter, de protéger et de mettre en œuvre efficacement le droit à la liberté d’expression et le droit de réunion pacifique. Le Comité des droits de l’homme de l’ONU, des experts de l’ONU en matière de droits humains et les États membres de l’ONU lors de l’Examen périodique universel de la Thaïlande ont fait part de leur inquiétude quant aux restrictions imposées par le gouvernement à l’exercice de ces droits. Les experts de l’ONU ont recommandé au gouvernement thaïlandais de ne pas placer en détention des personnes qui exercent leurs droits et ne présentent pas de risque sérieux pour la sécurité nationale ou l’ordre public. Ces experts et d’autres gouvernements appellent la Thaïlande à aligner ses lois sur les obligations internationales relatives aux droits humains. Lors de son Examen périodique universel, la Thaïlande a également été priée de ne pas engager de poursuites contre des manifestant·e·s pacifiques.

 

En conséquence, je vous exhorte à :

- Libérer, dans les meilleurs délais et sans condition, le défenseur des droits humains Anon Nampa et toutes les personnes, y compris mineur·e·s, prises pour cibles pour avoir simplement exercé leurs droits humains, annuler les charges retenues contre elles et abandonner toutes les poursuites pénales à leur encontre ;

- Dans l’attente de l’abandon des charges et des poursuites, accorder à Anon Nampa et aux autres militant·e·s leur droit d’être libéré sous caution de manière provisoire et veiller à ce que les conditions de la libération sous caution ne restreignent pas arbitrairement l’exercice pacifique de leurs droits ;

- Modifier ou abroger les lois utilisées pour restreindre les droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique, afin que la Thaïlande respecte les obligations qui lui incombent en vertu du droit international relatif aux droits humains.

Veuillez agréer, Monsieur le Premier ministre, l’expression de ma haute considération.

APPELS À

Premier ministre Srettha Thavisin
Office of the Prime Minister
Government House, Pitsanulok Road
Bangkok
Thaïlande 10300
Fax : +66 2 282 5131 Courriel : prforeign@prd.go.th

COPIES À

Mélanie Joly
Ministre des Affaires étrangères
111, rue Wellington
Ottawa (Ontario) K1A 0A6
Aucun timbre requis
Courriel:  melanie.joly@parl.gc.ca 

Son Excellence M. Kallayana VIPATTIPUMIPRATES
Ambassadeur
Ambassade royale de Thaïlande
180 Island Park Drive
Ottawa, ON K1Y 0A2
Canada
Tel: (613) 722-4444, 729-5235/739-3506/863-3506(24H) Fax: (613) 722-6624
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