• États-Unis

Un avocat spécialisé dans les questions environnementales est détenu arbitrairement

CONTEXTE

Le 1er octobre, Steven Donziger, un avocat et défenseur des droits environnementaux qui a représenté avec succès des victimes de déversements de pétrole en Équateur, a été condamné à six mois d’emprisonnement pour « outrage à magistrat, » pour des raisons politiques. Il a déjà passé plus de deux ans en résidence surveillée dans le cadre d’une procédure qui, selon des experts des Nations unies, est dépourvue de tout fondement juridique et va à l’encontre de nombreuses normes relatives à l’équité des procès. Le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a estimé que sa détention était une mesure de représailles pour le travail qu’il a accompli en tant qu’avocat en faveur des communautés indigènes en Équateur. Il doit être libéré immédiatement et sans condition.

Steven Donziger a commencé à travailler dans le domaine de la justice environnementale en 1993, lorsqu’il s'est rendu en Équateur et a rejoint une équipe d’avocats représentant des victimes de déversements de pétrole dans une affaire emblématique contre la société Chevron, accusée d’être responsable d’une catastrophe écologique liée au pétrole, largement considérée comme l’une des plus graves de l’histoire contemporaine.

En 2011, après des années de procédures judiciaires, un tribunal équatorien a statué que Chevron était responsable de graves dommages écologiques causés à la forêt amazonienne et de graves atteintes à la santé des communautés qui y vivaient. Le tribunal a établi que cette société avait délibérément déversé des milliards de gallons de déchets pétroliers sur des terres ancestrales indigènes pour réduire ses coûts, et lui a ordonné de verser des milliards de dollars de dommages et intérêts.

Après avoir perdu le procès en Équateur, Chevron a sorti tous ses actifs du pays pour se soustraire au paiement des dommages et intérêts et a menacé les victimes équatoriennes d’« une vie entière de poursuites » si elles n’abandonnaient pas l’affaire. Chevron a ensuite engagé une action en justice aux États-Unis contre tous les plaignants nommés dans le procès en Équateur, ainsi que contre Steven Donziger et d’autres avocats, des organisations non gouvernementales et un certain nombre d’experts qui leur avaient apporté leur soutien dans cette affaire.

Les procédures judiciaires qui ont suivi ont été entachées d’irrégularités qui rendent la détention de Steven Donziger arbitraire, notamment d’un manque d’impartialité des tribunaux, d’une ingérence disproportionnée dans le droit de Steven Donziger à la liberté visant à contourner la confidentialité des échanges entre l’avocat et ses clients, et d’une prolongation de sa privation de liberté au-delà de la durée maximale prévue pour les charges retenues contre lui.

En 2019, le juge présidant le procès civil contre Steven Donziger a pris la décision très inhabituelle de désigner un cabinet d’avocats privé pour tenir le rôle de procureur spécial dans le procès au pénal pour « outrage à magistrat », les services du procureur fédéral du district sud de New York refusant de se saisir de l’affaire. Le 6 août 2019, le juge présidant le procès pénal pour « outrage à magistrat » a ordonné à Steven Donziger de remettre son passeport et de se soumettre à la fois au port d’un bracelet électronique et à une assignation à résidence. Steven Donziger est privé de liberté depuis lors.

Le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire est un groupe d’experts indépendants nommés par le Conseil des droits de l’homme et mandatés pour enquêter sur les cas de privation de liberté imposée arbitrairement ou de manière incompatible avec les normes internationales. Les avis du Groupe de travail sont des décisions faisant autorité d’un mécanisme d’experts des Nations Unies et ont un poids juridique considérable. Les obligations figurant dans les traités internationaux qui constituent la base de la décision des groupes de travail sont juridiquement contraignantes pour les États parties. Les États-Unis sont partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) depuis 1992.

Les poursuites stratégiques contre la mobilisation publique ou « poursuites-bâillons » (désignées par l’acronyme anglais « SLAPP ») sont des procédures judiciaires qui sont intentées ou dont la menace est agitée pour réduire au silence ou intimider des personnes. Les poursuites-bâillons prennent souvent pour cible des journalistes, des défenseur·e·s des droits humains, des organisations de la société civile, des militant·e·s ou des universitaires dans le but de les faire taire et de dissuader d’autres personnes d’exprimer des critiques. Ces procédures n’ont pas nécessairement pour but de protéger l’honneur ou la réputation d’une personne ou d’une entreprise, mais plutôt d’intimider les personnes qu’elles visent, de les exténuer et d’épuiser leurs ressources financières et psychologiques. Combattre ces actions en justice peut coûter très cher, sur le plan financier mais pas uniquement, aux militant·e·s des droits humains poursuivis, obligeant ces personnes à réaffecter à leur défense les fonds et ressources déjà limités qu’elles tirent de leur travail. Ces manœuvres juridiques réussissent aussi souvent à détourner l’attention des dommages environnementaux ou des atteintes aux droits humains en jeu vers l’action en diffamation elle-même.

Steven Donziger est assigné à résidence depuis plus de 800 jours. Une coalition d'organisations plaide en sa faveur.

LETTRE À ENVOYER

Monsieur le Procureur général,

Steven Donziger est un avocat américain, défenseur des droits environnementaux, qui a représenté des victimes de déversements de pétrole en Équateur dans une affaire emblématique contre la société Chevron, accusée d’être responsable d’une catastrophe écologique liée au pétrole, largement considérée comme l’une des plus graves de l’histoire récente. Cet homme est en résidence surveillée depuis qu’il a refusé, en août 2019, de remettre ses appareils électroniques à la justice, comme un tribunal le lui avait ordonné, l’avocat faisant valoir que cela risquait de compromettre la confidentialité de ses échanges avec ses clients et de mettre ceux-ci en danger. Sa détention est intervenue à la suite d’une longue campagne de diffamation, d’intimidation et de harcèlement menée par Chevron contre lui et contre d’autres défenseur·e·s des droits humains.

En septembre 2021, le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a statué que la privation de liberté de Steven Donziger était arbitraire, car elle était dénuée de fondement juridique et allait à l’encontre de plusieurs normes relatives au droit à un procès équitable, notamment en raison du manque manifeste d’impartialité des tribunaux dans cette affaire. De plus, le Groupe de travail a estimé que sa détention était manifestement une mesure de représailles pour son travail en tant que représentant légal des communautés indigènes équatoriennes.

Malgré de sérieuses inquiétudes quant au manque d’indépendance, d’objectivité et d’impartialité du juge qui a ordonné sa détention provisoire sous la forme d’une assignation à résidence et qui a supervisé le procès au pénal pour « outrage à magistrat », Steven Donziger a été condamné, le 1er octobre, à la peine maximale prévue pour cette infraction, à savoir six mois d’emprisonnement, et s’est vu refuser la possibilité d’être libéré en attendant que la justice se prononce sur l’appel qu’il avait formé.

J’appelle le ministère de la Justice à assumer la compétence dans cette affaire au lieu du procureur privé, et à appliquer sans délai la décision du Groupe de travail des Nations unies en veillant à ce que Steven Donziger soit libéré immédiatement et sans condition. Je vous prie également de diligenter une enquête exhaustive et indépendante sur les circonstances de la privation arbitraire de liberté de Steven Donziger, et de prendre les mesures qui s’imposent afin d’empêcher les entreprises de recourir abusivement au système judiciaire pour cibler et harceler les personnes qui défendent les droits humains.

Veuillez agréer, Monsieur le Procureur général, l'expression de ma haute considération,

APPELS À

Procureur général
Attorney General Merrick Garland
950 Pennsylvania Avenue NW 
Washington, DC 20530
États-Unis

Ou remplissez ce formulaire sur le site du département de la Justice des États-Unis

COPIES À


M. Arnold Anthony CHACON
Chargé d'affaires, a.i.
Ambassade des États-Unis d'Amérique
490 Sussex Drive
Ottawa, ON K1N 1G8
Canada
Tel: (613) 238-5335 / 688-5335 (24h) Fax: (613) 688-3088
 

Mélanie Joly
Ministre des Affaires étrangères
111, rue Wellington
Ottawa (Ontario) K1A 0A6
Aucun timbre requis
Courriel:  melanie.joly@parl.gc.ca